Thursday, April 30, 2015

"Strasbourg et Kléber." par Jean Gentil (Le Louisianais - 18 Février 1871)

L'empereur d'Allemagne, un Prussien, le Guillaume,
Grand soudard que Bismark proclame un très grand homme,
Ayant pris Strasbourg, ville où l'on parle allemand,
Mais où le coeur français bat intrépidement,
Dit à ses vavassaux de Saxe et de Lusace:
"Compagnons, maintenant nous possédons l'Alsace
Le Rhin nous appartient et coule sous nos lois;
Nous avons mis au pas les vaniteux Gaulois,
Et nous avons Strasbourg, ses palais, ses musées,
Sa haute cathédrale, et ses filles rosées.
C'est qu'elles sont vraiement charmantes à Strasbourg,
Plus belles qu'à Manheim ou dans tout autre bourg,
Les filles de là-bas! Or donc, nous Charlemagne,
Comme étant désormais empereur d'Allemagne,
Nous les ferons sous peu venir en notre cour,
Et nous leur prouverons qu'un Prussien fait la cour;
En parfait Gambrinus, en vaillant gentilhomme,
Surtout après la bière et le rack, boissons d'homme.
Messeigneurs, quelle orgie! Et je vous donnerai
Les restes du souper, et je vous laisserai
Schlaguer à tour de bras tous ce maris rebelles
Qui ne veulent jamais que leurs femmes soient belles,
Et qu'on le prouve. Or ça, bénissons hautement 
Dieu qui nous a rendu le Strasbourg allemand.
Cette ville est à nous, bien à nous, et la France
Peut bannir pour toujours une folle espérance."

--Mais une voix vibrante a prononcé dans l'air
Un formidable "non." C'est la voix de Kléber. 

Wednesday, April 29, 2015

"Vertu" par Jean Gentil (Le Louisianais - 11 Février 1871)

Marquis, rentre au manoir, si toutefois, brave homme,
Il reste un colombier à qui fut gentilhomme;
Bon bourgeois de Rouen, de Lille ou de Bordeaux,
Ouvre nous ta boutique et courbe bien le dos;
Paysan, va reprendre un vieux sac de charrue,
Et pique ton cheval par dia comme par hue;
Ouvrier, pauvre esclave aux villes condamné,
Retourne sans murmure à l'atelier damné;
Poëte, laisse là les splendeurs du mystère,
Et fais toi boutiquier pour les biens de la terre;
Prêtre, confesse nous, et chante-nous tout bas
"Te Deum laudamus" pour le Dieu des combats;
La France est condamnée, et les peuples sont femmes;
Le monde ne sent plus vibrer les grandes âmes.
Qui sait? demain peut-être, et pour comble d'horreur!
On verra les valets acclamer l'empereur,
Et le Napoléon rentrer, grâce à Guillaume,
Dans Paris que Bismark lui rend en galant homme.

Tuesday, April 28, 2015

"Classe Bête" par Jean Gentil (Le Louisianais - 4 Février 1871)

Soyez noble, si noble, et marmiton, si l'êtes;
Mais ne nous payons pas, Seigneur, des épaulettes,
Etant des caporaux,. C'est risible, vraiment,
Un Monsieur qui se hausse et se fait compliment,
Qui se donne des airs de bourgeois-gentilhomme,
Qui met sa suffisance à se croire un grand homme,
Et qui parle du peuple avec un ton hautain
Qui sent fort son laquais tout nouvellement teint.

Bien bons, les parvenus! Lorsqu'ils ont la livrée,
Lorsque de vanités leur âme est enivrée,
Et qu'ils ont assouvi leurs nobles appétits,
Ils dissent "basse classe" en parlant des petits.
Petits, relevons-nous et redressons la tête!
"Basse Classe," bourgeois, vaut mieux que "classe bête."

Monday, April 27, 2015

"Tristis sed Pius" par Jean Gentil (Le Louisianais - 28 Janvier 1871)

Oui, Seigneur, la nuit vient de la désespérance,
Du Mont des Oliviers et du prosternement,
L'heure qui vit Jésus et qui verra la France
Se recueillir en Dieu pour le dernier tourment.

Judas est éternel, les apôtres sommeillent,
L'épée est sans effet dans les mains du plus fort,
Et puis ne faut-il pas que les peuples s'éveillent
Et se prosternent tous devant la croix d'un mort?

Que cette volonté,---volonté du mystère,
De la foi, du salut, de l'amour radieux,--
Soit faite, ô Tout Puissant, sur cette pauvre terre,
Pour cette pauvre France, et jusque dans les cieux

Mais laissez-nous pleurer aux pieds de cette France,
Détacher son cadavre, embaumer le grand mort,
L'ensevelir aux plis d'une sainte espérance,
Et veiller au tombeau de l'Immortel qui dort.

Vers le troisième jour, à la lueur première,
Et lorsque les meilleurs eux-mêmes douteront,
Elle se lèvera dans la vive lumière,
Et les peuples émus, France, t'adoreront.

L'immolé de la croix sera ressucité:
Sa couronne d'épine, un éclatant symbole,
Brillera sur sa tête en vivante auréole,
Et ses mains sèmeront l'amour dans la clarté.

Sunday, April 26, 2015

"Aux Violeurs" par Jean Gentil (Le Louisianais - 14 Janvier 1871)

Qu'on soit Français, Prussien, Espagnol, ou bien Russe,
Que ce soit en Alsace ou que ce soit en Prusse,
Que l'homme soit soldat ou prince couronné,
Que ce soit dans la paix ou le combat damné,
Quiconque ose violer ou la fille ou la femme
Est un sombre bandit, un misérable infâme,
Un de ces chiens hideux que l'on peut écraser,
Un monstre que le fer doit abélardiser.
Est-ce assez? Non, il faut le suspendre à la corde,
L'étriper sans façon et sans miséricorde,
Le laisser suspend... pour que les noirs corbeaux
Lacèrent ce bandit lambeaux par lambeaux.
Et si le châtiment ne vous paraît point être
Assez grand, empoignez le misérable reître,
Fixez le par la bouche et par le fondement
Devant un feu qui brûle et rôtit lentement;
Ou bien, après l'avoir déchiré sur la claie,
Semez-en la poussière au vent qui la balaie.
Mais le laisser vivant et presque respecté,
C'est crime non moins grand que grande lâcheté.
Et le fils qui permet que l'on viole sa mère,
Et l'époux console par une plainte amère,
Et le père qui pleure au lieu d'assassiner,
Et le soldat qui craint de tout exterminer,
Et la femme n'osant empoisonner qui tue,
Et le peuple immobile ainsi qu'une statue,
Tout cela fait rougir de honte, car Dieu dit:
"Tu peux honnêtement écorcher un bandit."

Saturday, April 25, 2015

"Prose" par Jean Gentil (Le Louisianais - 7 Janvier 1871)

Une fille de Bade, aussi douce que belle,
Fiancée à Wilhelm, un Allemand comme elle,
Ayant reçu de France et son fiancé
Un diamant de prix dans l'or pur enchaissé,
A d'abord à son doigt, joyeusement folle,
Passé l'anneau brillant dont la femme raffole.
Puis elle l'a montré, car la naïveté
Peut très bien se donner un peu de vanité.
Une Badoise est femme ainsi qu'une Française,
Et croyez, jeunes gens, qu'une fille est bien aise
De montrer à ses soeurs le riche diamant
Qu'ont glissé dans son doigt les doigts de son amant.
L'amour est glorieux. Berthe était donc heureuse,
Fière de son anneau, tendrement amoureuse,
Rêvant avec bonheur, en voyant cet anneau,
Aux nuits où l'on est deux dans le même berceau.
Mais quelqu'un lui montra, -- sans doute une jalouse,--
Une tache de sang à la bague d'épouse.
Alors Berthe pleura, pauvre fille, et puis dit:
"Wilhem est un soldat et Wilhem est maudit.
Pour la grandeur d'un roi dont la gloire est infâme,
En oubliant se mère, il égorge la femme.
Un Allemand qui tue et vole au grand chemin,
Ayant perdu mon coeur, n'aura jamais ma main."

Friday, April 24, 2015

"Guillaume le Soulard" par Jean Gentil (Le Louisianais - 31 Décembre 1870)

Guillaume est prénom commun aux royautés,
Aux princes, aux bandits, aux grands Majestés;
Mais comme ce prénom ne distinguait pas l'homme,
Il fallut ajouter quelque chose à Guillaume.
Le premier est nommé Bâtard et Conquérant,
Et son fils dit Roux fut un vilain tyran;
Le Taciturne fut d'honneur fort difficile:
Il s'appelle Mauvais, l'ayant bien mérité.
Nous passons les meilleurs en fait de cruauté.
Mais quell prénom donner, ô Prusse, à ton Guillaume?
Est-ce une bête fauve, ou bien serait-ce un homme?
Ce Wilhem, à coup sûr, est un hardi pantard
Que l'on surnommera l'Ivrogne et le Soulard.

Thursday, April 23, 2015

"La Femme" par Jean Gentil (Le Louisianais - 24 Décembre 1870)

Oui, la femme est sacrée, étant frêle et puis mère,
Etant celle qui garde en soi la part amère,
Et donne la part de bonheur,
Nous devons respecter du profond de notre âme
Et la soeur et l'épouse, et la fille et la femme,
Et nous attrister à leur malheur.
 
Mais quand cette frêle et douce créature,
Eve du Paradis, parfum de la nature,
Ange vous indiquant les cieux,
Est sainte, deux fois sainte entre toute les autres,
C'est lorsqu'un enfant rose, un élu des apôtres,
Met un sourire en ses grands yeux.
 
Un enfant sur le sein, c'est la chose sacrée,
C'est naîf et c'est grand, beau comme l'empyrée,
Pudique, chaste et puis charmant.
La chair devient alors pure comme un blanc voile,
Et la goutte de lait est une douce étoile
Qui tremble au bord du firmament.
 
Or, savez-vous, Madame,
Ce que font ces maudits,
Ces soulards privés d'âme,
Ces Huns et ces bandits?
 
Avec leur fer de lance, ô raillerie amère!
Ils clouent l'enfant qui tette au sein blanc de sa mère.

Wednesday, April 22, 2015

"Foi et Don" par Jean Gentil (Le Louisianais - 17 Decembre 1870)

Vraiment vous me semblez agréable, brave homme
Et profond catholique à la mode de Rome.
Pensez-vous bonnement que c'est par vanité
Que je ne veux point croire à votre vérité,
Que je ferme les yeux par esprit de systême,
Et que pour mon plaisir je cherche l'anathême?
Voudriez-vous , mon cher, que j'affiarme en tout point
Le jour que vous voyez et que je ne vois point,
Les dogmes d'une foi qui me semble fort belle,
Mais contre qui s'élève un sentiment rebelle?
Sans doute, sur le front nous avons tous les cieux;
Mais chacun de nous voit par son coeur et ses yeux,
Comme il pleut. Le myope au lointain voit de l'ombre,
Le presbyte prétend que tout près il fait sombre,
Le hibou nyctalope aime l'obscurité,
Et l'aveugle demande où Dieu mit la clarté.

Or, si le malheureux qui vit dans les ténèbres,
Dont les jours et les nuits sont à la fois funèbres,
Dit à son brave chien qu'un éblouissement
A rempli sa paupière inerte et morte, il ment.
Et c'est mentir, tromper, être un malhonnête homme,
Lorsque Rome n'est rien pour vous, d'adorer Rome.
C'est trafic et métier, lorsque cela n'est pas
Aveuglement d'esclave emboitant votre pas.

Mais, me répondrez-vous, qui donc sur cette terre
Ne doit pas s'incliner devant le haut mystère,
Abaisser sa raison et courber son front nu
Devant l'indéchiffrable et devant l'inconnu?
Je concède, monsieur; mais s'il est des mystères
Qui confondront toujours les esprits solitaires,
Si l'infini divin est si loin dans les cieux,
Si la grande lumière éblouit trop nos yeux,
Pourquoi donc élargir, par des incertitudes,
De nos esprits bornés les vagues solitudes?
Pourquoi donc l'inutile à l'utile absolu?
Notre premier problème est-il donc résolu?

Vous me direz encore: "Inclinez votre tête,
Abaissez votre orgueil, flagellez votre bête,
Amortissez la chair, montrez-vous repentant,
Soyez humble d'esprit, renoncez à Satan,
Priez avec ferveur et du fond de votre âme,
La grâce du Très-Haut est un puissant dictame;
Dieu n'est point sourd à l'homme, et Dieu vous bénitra,
Et la foi, doux rayon, en vous épanouira?

Croyez-vous donc, monsieur, que mon âme éplorée
N'a pas jeté les yeux vers la voûte sacrée,
Que je sois sans élan et sans amour du beau,
Que je voudrais mourir tout entier au tombeau,
Que je ne demande point au Maître qu'il m'accorde
Le pardon de sa bouche et sa miséricorde?
J'ai ployé mes genoux aux dalles du Saint Lieu,
Je n'ai jamais cessé de supplier mon Dieu,
J'ai souffert comme trois, j'ai pleuré, puis je pleure
En attendant le "Quid" de notre dernière heure.

Votre Foi, mon ami, c'est fort beau; mais pardon:
La Foi ne suffit pas, il faut encor le Don.

Tuesday, April 21, 2015

"Irresponsabilité" par Jean Gentil (Le Louisianais - 10 Decembre 1870)

L'homme est irrespousable, étant sans liberté,
Et le crime n'est pas dans l'imbécilité.
Nous subissons la loi du courant et des vagues,
Car nos hardis vouloirs sont des volontés vagues
Que le vent du caprice emporte dans un jeu.
Qui donc peut condemner l'irresonsable enjeu?
Et l'homme n'est que ça. Ses hautaines colères,
Ses efforts surhumains, ses cris atrabilaires,
Les élans de son âme et les bonds de son coeur
Sont des gestes d'esclave aux yeux du grand Moqueur.

Tout est fatal en nous, la naissance et la vie,
Le crime et la vertu, la noblesse et l'envie,
La joie et la douleur, la mort et l'inconnu.
Qui pourrait faire un crime à l'enfant d'être nu,
A l'âne de brouter, au marchand d'être honnête,
Et, la femme étant folle, à l'homme d'être bête?


Monday, April 20, 2015

"Bertrands" par Jean Gentil (Le Louisianais - 3 Decembre 1870)

La corse pour berceau, pour tombe Saint-Hélène,
C'est magique légende à courber plus d'un front;
Et tout, dans ce récit de vigoureuse haleine,
Est puissant, gigantesque et trop haut pour l'affront.

Bertrand l'accompagna dans son exil immense,
Le suivit enchainé, l'ayant suivi vainqueur,
Courtisa l'infortune ,-- une sainte Puissance
Que redoute le lâche et qu'aime le grand coeur.

Ce Bertrand, cet ami, compagnon militaire
Qui reçut du montrant la parole d'adieu,
S'exila dans la gloire ainsi qu'un solidaire,
En vivant au desert, s'exile tout en Dieu.

Mais quand à Wilhelmahoe, une vrai chenil de Fauve,
Un château que l'exil ne saurait illustrer,
Un bouge où l'on ripaille à l'abri d'Hudson Lowe,
Je vois monsieur Bazaine hardiment se vautrer,

Je dis tout haut: "Pécaire!
Quel bel accouplement !
C'est Bertrand et Macaire
Qui font du sentiment."

Sunday, April 19, 2015

"La Médaille" par Jean Gentil (Le Louisianais - 26 novembre 1870)

Bien! Barbouille, barbouille,
Barbouille méchamment;
Métier veut qu'on gribouille
Le papier sottement.

Barbouillons une rame
Pour l'homme de Sédan
Qui prouva sa grande âme,
Hélas! en se rendant.

Barbouillons dans la haine,
Avec du fiel ranci,
Une page à Bazaine
Qui se rendit aussi.

Et dénigrons encore,
Sans rime ni raison,
La France,-- une pécore
Et Favre, -- un polisson.

Contre la Révolution
Barbouillons sans merci,
C'est la fille publique
Qui vend son corps farci.

Si le héros troisième
Revient en son séjour,
Si son fils quatrième
Doit régner un beau jour.

Nous aurons la médaille, et les braves gendarmes,
En nous voyant passer, nous porteront les armes.

Saturday, April 18, 2015

"Les Cloches" par Jean Gentil (Le Louisianais - 26 novembre 1870)

Cloches des quatre vents, ô grandes voix chrétiennes,
N'avez-vous point assez fait vibrer vos antiennes
De la tombe au berceau, de la joie aux douleurs?
Ce n'est pas que la cloche, en vibrant sur nos têtes,
Ait tort d'accompagner le concert de nos fêtes
Ou de pleurer sur nous quand nous versons de pleurs.

Voix d'en haut, c'est bien dit. Au baptême elle sonne,
Au long trépassement elle tinte et frissonne,
Au divin Angelus elle a des chants pieux,
Et nous aimons encor ses joyeuses volées
Sur le front attendri de nos vierges voilées,
Quand le prêtre prononce un Conjungo des cieux.

Mais quand la France en deuil a ses femmes qui pleurent,
Ses fils désespérés et ses hommes qui meurent,
Quand un Vandale impur l'assassine en bandit,
Quand l'arme fait défaut, quand le canon difforme
Doit lancer sa mitraille et son boulet énorme,
Quand il faut, Dieu-Seigneur, écraser le bandit,

Que font dans les clochers des hautes basiliques
Ces grands monstres d'airain aux gueules symboliques,
Ces hérauts que la terre a postés dans les cieux?
Qu'on jette à la fournaise, ô débonnaire,
La cloche qui sera le foudroyant tonnerre
D'un people punissant le crime audacieux.

Friday, April 17, 2015

"Lawes" par Jean Gentil (Le Louisianais - 19 Novembre 1870)

L'émeute sans raison, sans drapeau, deux fois vile,
Vociférait, marchant contre Donaldsonville;
Les femmes, les vieillards, les enfants, tout tremblait;
Et l'on ne savait pas ce que la nuit celait.
Deux hommes, en voyant les craintes et les larmes,
En entendant partout les cris et les alarmes,
En comprenant l'horreur d'un réveil dans le sang,
Ont dit: "Allons trouver l'homme qu'on fait puissant.
Et cet homme, avec nous, apaisera l'émeute."
Ils le firent. Au retour, ils trouvèrent la meute
Qui les assissina froidement, lâchement.
Sans trop savoir pourquoi, sans trop savoir comment.
 
Assassinés dans l'ombre!... O toi, Donaldsonville,
Quand tu sus le forfait d'une bande servile;
Quand tu vis le cadavre horrible, ensanglanté,
Epouvantable même à la férocité;
Quand tu reconnus Lawes. une victime sainte,
Tu fis bien de draper de noir ta triste enceinte,
D'accompagner, en pleurs, à la tombe des morts
Celui qui sut mourir sans crainte et sans remords.

Thursday, April 16, 2015

"Balle et non Bulle" par Jean Gentil (Le Louisianais - 12 Novembre 1870)

Il parait que Bismark et son ami Guillaume
Sont deux frères Maçons;
La chose est naturelle, et l'on sait plus d'un homme
Goujat de cent façons.
 
Frédéric l'était bien. Or, les Grands Vénérables,
Qui sont des épiciers,
En voyant chaque jour les forfaits exécrables
Des sauvages lanciers,
 
-- De ces hideux hulans qui massacrent les femmes,
Ont, nous dit un journal,
Cité ministre et roi, ces deux frères infâmes,
Devant leur tribunal.
 
Très-Excellents bourgeois, votre bulle mystique
N'a qu'un simple défaut:
Celui du vieux savon d'une vieille boutique.
C'est la balle qu'il faut.

Wednesday, April 15, 2015

"O Tonnerre!" par Jean Gentil (Le Louisianais - 5 Novembre 1870)

C'est un horrible viol, ô bandes infernales!
Ce Guillaume, un soulard, profane jusqu'aux cieux
Par ses hideux forfaits, ses rouges bacchanales,
Par un entassement de crimes odieux,
D'assassinats sans nom, d'infâmes saturnales.

Le tonnerre dort-il, ô Seigneur, dans tes cieux?

Tuesday, April 14, 2015

"Petits Carpet-Baggers" par Jean Gentil (Le Louisianais - 29 Octobre 1870)

Carpet-baggers imberbes
Adolescents, criquets,
Jappez donc. Quels superbes
Jappements de roquets!

"Pour les âmes bien nées
Si l'honneur, dit quelqu'un,
N'attend pas les années,"
Tel est jeune et coquin.

Noircir de calomnies
Un papier d'écolier,
Ce sont des vilénies,
Et c'est vilain métier.

Mais il faut la guelée
A ces jeunes vauriens.
-- War Moth, une écuellée
A tous tes petits chiens!

Ils japperont à l'aise,
D'un air fort convaincu,
Et pour peu qu'il te plaise
Ils baiseront ton... dos.

Monday, April 13, 2015

"Franc-Tireur" par Jean Gentil (Le Louisianais - 22 Octobre 1870)

Franc-tireur, entends-tu ces esclaves d'un maître,
De Guillaume, un bandit, et de Bismark, un reître?
C'est le peuple allemand
Venu de Franconie et de l'âpre Lusace.
Ils ont fanchi le Rhin, ils ont pillé l'Alsace,
Ils tuent aveuglement.
 
Rien n'est sacré pour eux, ni le sexe ni l'âge,
Et leur casque prussien ressemble au moyen-age
Du Burgrave abhorré.
Ils brûlent le palais, ils brûlent la chaumière,
Et le feu qui dévore est la seule lumière
De ce peuple égaré.
 
Franc-tireur de la Gaule,
Prends ton fusil, épaule,
Et vise droit au front
C'est en toi que la France
A mis son espérance:
Il faut venger l'affront.
 
Dans la ravine sombre,
Dans le jour et dans l'ombre,
Sans cesse et dans tous lieux,
Frappe sans merci, tue
Celui qui prostitute
La terre des aïeux.
 
Tu combats pour tes fils, ton foyer et ta femme;
Tu combats pour ton Dieu, ton soleil et ton âme,
Et pour la liberté;
Dans cette guerre aussi formidable qu'immonde
Tu combats en héros pour le salut du monde
Et de l'humanité.

Sunday, April 12, 2015

"République" par Jean Gentil (Le Louisianais - 15 Octobre 1870)

Quoi donc? Toujours la haine et toujours le blasphême
A cette République où Dieu veut que l'on s'aime,
Où l'homme est solennel!
Mais cette République est la formule auguste
Du devoir et du droit, le maximum du juste
Pour un people éternel.
 
C'est l'humanité fière et la liberté reine,
C'est l'âme désormais affranchie et sereine
Retrouvant sa beauté.
Les rois nous avaient fait l'esclavage et son ombre,
La République met sur cette forme sombre
Sa splendide clarté.
 
Plus de sang dans le Rhin, plus d'ombre sur le Tibre,
Des peuples sans des fers, le vaste Océan libre,
Une terre à bénir,
Un seul culte, un seul Dieu, la foi sans la démence,
L'amour sans les regrets, un coeur battant immense,
Tel est cet avenir.
 
La République est donc une aurore bénie,
Le lever d'un soleil, une chose infinie,
Sur un monde éternel,
Puisque les tout petits insultent cieux et terres,
Et tordent leurs museaux, pareils à ses panthères
Qu'écorchait Bombonnel.

Saturday, April 11, 2015

"Werder" par Jean Gentil (Le Louisianais - 8 Octobre 1870)

Haynan fouettait les femmes
En public, lâchement:
L'histoire en traits de flammes
Signa son châtiment.

Butler pilla les villes,
Fut insulteur, bandit:
Entre les âmes viles
Butler sera maudit.

Et que dira l'Alsace,
Dans la ville et le bourg,
Du Badois qui menace
Et bombarde Strasbourg?

Werder, soldat féroce,
D'un roi sinistre et vieux,
Ton nom s'est fait atroce
A révolter les cieux.

Friday, April 10, 2015

"Guillaume" par Jean Gentil (Le Louisianais - 1 Octobre 1870)

Guillaume, un vieil ivrogne, a dit dans sa démence:
"Paris me déplait fort avec son nom immense,
Sa gloire et son rayonnement.
Il fait tort à Berline. Or donc, sans plus de forme,
Il me faut dans vignt jours, avec mon casque énorme
Coiffer son plus haut monument.

Pourquoi ne pas casquer sa colonne Vendôme?
Napoléon premier vaut-il mieux que Guillaume,
Puisqu'il est mort et moi vivant?
N'ai-je point mon Bismark,-- un cuirassier féroce,
Ma Landwher allemande et mon Prussien atroce?
En avant! En avant! En avant!"

Paris coiffé d'un casque ignoble et teutonique!..
Cela ne sera pas. La bande germainique,
Accroupie aux blancs monuments!...
Cela ne sera point. Paris a sa muraille
De poitrines, de bras, de coeurs, et sa mitraille
Qui fait des piles d'ossements.

Et la France est derrière, hautaine et vengeresse,
Folle de déséspoir et sublime d'ivresse,
Peuple d'un seul homme, et géant.
Cette France, ô Guillaume, à ta féroce armée
Donnera dans deux mois la grande renommée
De la retraite et du néant.

Ah! ces bandits impurs, dans leur ignoble rage,
Sout les héros du vol, du viol et de l'outrage,
Et d'épouvantables larrons!
Bientôt la République aux gloires souveraines
Chassera de dégoût leurs catins et leurs reines,
Et respectant leurs laiderons

Thursday, April 9, 2015

"Victor Hugo" par Jean Gentil (Le Louisianais - 24 Septembre 1870)

Qu'ils soient marchards de lard ou journalistes blêmes,
Ces individus-là seront toujours les mêmes;
C'est leur droit, leur vertu.
La grandeur les effraie, étant petits de taille,
Et leur rire poursuit ceux qui, dans la bataille,
Géants, ont combattu.
 
Pour chaque nom illustre ils trouvent une pierre,
Et la pierre a raison. Danton et Robespierre
Sont de vils scélérats.
Ils rongent à plaisir le poeme, l'histoire
Et la Convention qui votait la victoire,
Ces vilains petits rats!
 
Le vigoureux genie est leur stupeur immense,
Et quand un fier esprit se degage et s'élance
Vers l'horizon nouveau,
Ils l'appellent mensonge, absurdité , folie.
Mais qu'importe après tout? On sait bien que la lie
Reste au fond du tonneau.
 
On sait que les pingouins sont lourds et n'ont pas d'ailes,
Que la laideur jalousie a peur des choses belles,
Qu'il est dans nains aussi.
Chaque être a sa valeur dans l'ordre et par la forme,
Même le moucheron, et notre nain difforme
Est l'homme en raccourci.
 
Laissons les donc siffler, outrager et maudire,
Montrer un poing risible à la statue et dire:
"Ce poing te brisera!"
Ceux qu'ils veulent briser sont de puissants prophètes,
Des inspires, des saints, des chantres, des poetes,
Que l'homme bénira.
 
Pour nousm mon cher Joseph, inconnus mais fidèles,
Saluons sans trembler ceux qui portent des ailes,
Les rayonnants, les beaux;
Et quand nous entendrons à nos gloires hautaines
Des bipèdes humaines croasser par centaines,
Disons: Corbeaux, corbeaux!

Wednesday, April 8, 2015

"Irlande" par Jean Gentil (Le Louisianais - 17 Septembre 1870)

Qui ne l'acclama point aux jours grands et prospères,
Quand elle rayonnait aux cieux?
C'était l'astre. Depuis, sur la tombe des pères,
Les fils insultent leurs aïeux.
 
On ne reconnait plus notre France ainsi faite
Et vaincue; et l'âne en passant
Lui donne avec courage, en la garde défaite,
Le coup de pied reconnaissant.
 
Il semble qu'un petit se grandisse en son ombre
Quand il voit tomber un géant,
Comme si, l'astre éteint, la nuit qui devient sombre
Ne nous faissant pas le néant.
 
Soyez donc dans la joie, ô puissants de la terre,
Russes, Saxons, Teutons, Germains,
Et vous glorieux pairs de la noble Angleterre!
Etats Unis, battez des mains!
 
C'est bon, c'est naturel... Mais qu'elle soit bénie
A jamais, l'Irlande au grand coeur;
Car elle a pleuré seule, ô France, l'agonie
Du Christ ressucité vainqueur!

Tuesday, April 7, 2015

"France et Prusse" par Jean Gentil (Le Louisianais - 3 Septembre 1870)

Ils sont aussi nombreux, étant moins brillants qu'elles,
Que les étoiles dans les cieux;
C'est un fourmillement de casques, d'étincelles,
Et de bataillons sérieux.
 
Ils sont braves, coulés en bronze militaire,
Soldats qui meurent froidement;
Ils frappent en cadence et sans broncher la terre
Où va tomber le régiment.
 
Leur courage est glacé, mais c'est l'âpre courage
Des Allemands qui croient en eux,
Des fils de Frédéric grandissant avec l'âge;
Et puis, Français, ils sont nombreux!
 
Mais le sont-ils assez? Quand ils seraient encore
Deux millons, trois millons,
L'Allemagne et l'Europe?... Ah! la France dévore
Bataillons après bataillons.
 
Et la France est debout, et Paris se redresse
Avec toute sa majesté.
Prussiens, entendez-vous le canon de détresse,
Le canon de la liberté?

Monday, April 6, 2015

"Douai" par Jean Gentil (Le Louisianais - 27 Août 1870)

Ils étaient dix contre un, et les aigles pliaient,
Et les gros bataillons étonnés triomphaient;
C'était presque la "fuite." Ce mot n'est pas français!
Mais, après tout, que faire, où donc est le succès,
Quand les héros couchés, n'ont plus d'épaule gauche,
Quand la mitraille épaisse et vous broie et vous franche,
Quand l'ennemi s'avance en regiments pressés,
Quand vous êtes seul, et qu'ils sont tous masses?
Prussiens, c'est la victoire où le vainqueur s'incline
Devant le mort vaincu, se nommant discipline
Et nombre. Rien, de plus!.. Mais lorsque les clairons
Sont sans soufflé et glacés, lorsque les escadrons
Cherchent en vain leurs chefs, quand les tambours sonores
Sont tous troués, lorsque les drapeaux tricolores
N'ont plus qu'une guenille à la hampe de bois,
Et que la cantinière est morta en disant: Bois!
Que faire, ô général? Baisser le front, se rendre
Et livrer son épée à qui voudra la prendre?
Dire qu'on est vaincu, que sauf est votre humeur,
Que vous pouvez encor vivre sans deshonneur,
Ou bien mourir debout, la menace à la bouche,
Sombre et désespéré, héroique et farouche?
-- Un général français ne se rend pas vivant;
Il marche à l'ennemi, frappe et meurt en avant.

Douai, merci! La France a toujours des entrailles,
Et la France te doit de belles funérailles.

Sunday, April 5, 2015

"Souviens-toi!" par Jean Gentil (Le Louisianais - 20 août 1870)

Mon fils, tu ne sais pas les choses de la vie,
Que nous sommes tous faits de misère et d'envie,
Que l'homme est respecté quand il est riche et fort,
Que la pauvreté fière est un immense tort,
Qu'il faut être ici-bas, à n'importe quelle heure,
Ou le bourreau qui frappe ou le martyr qui pleure.

Tu le sauras un jour. A dix-huit ou vingt ans,
Lorsque tu souriras dans l'aube du printemps,
Rose, croyant, pieux, offrant toute ton âme,
Tu comprendras la honte en comprenant la femme;
L'ami te trahira pour un denier comptant,
Et c'est pour te trahir qu'il sera repentant,
Quant au monde d'en haut, d'en bas qui passe et roule,
C'est le grand inconnu, l'irresponsable foule,
L'agitation folle où vaincus et vainqueurs
Troquent comme haillons les débris de leurs coeurs.

Cependant, ô mon fils, sois bon, sois bon quand même;
A quiconque dira: je hais! réponds: moi j'aime!
Dédaigne les grandeurs où la honte a passé,
Méprise les puissants dont le coeur est lassé,
Tends la main sans orgueil au pauvre qu'on délaisse;
L'homme qui se grandit est celui qui s'abaisse.

O mon enfant, mon fils, crois qu'un peu de bonté
Vaut les trésors du ciel, étant la charité.

Mais laisse-moi te dire à cette heure suprême,
Quand la guerre a poussé, ses longs cris de blasphême,
Qu'il est une patrie, un vrai monde, un Saint Lieu
Où rayonne pour tous le grand soleil de Dieu.
C'est la France! Elle est noble, elle est la fille ainée
Du Christ,--la Madeleine émue, agenouillée,
Versant ses doux parfums sur les pieds du Sauveur,
Et dans l'immensité plongeant son oeil rêveur.

Le dernier de ses fils peut s'enorgueillir d'elle,
Car elle fut aimante, et car elle est fidèle.

Quand à toi, si jamais tu détournais le front
De ta mère, surtout quand la poursuit l'affront,
Si tu raillais  la sainte et l'auguste insultée,
Si tu lui préférais l'étrangère éhontée,
Vieillard, je pleurerais de honte et de remord,
Et je dirais à tous: "Passants, mon fils est mort."

Saturday, April 4, 2015

"NON!" par Jean Gentil (Le Louisianais - 13 Aoùt 1870

Fiers et hardis Prussiens, et vous Allemands graves,
Qui comptez pour aïeux des ducs et des Burgraves,
Des empereurs hautains,
Nous vous aimons sans doute. Il faut aimer les hommes,
Que le Maître éternel créa tels que nous sommes,
Rouges, blonds, et châtains.
 
Mais par le droit sacré, la liberté suprême,
Le progrès souverain, l'humanité qu'on aime,
Le Dieu des hauts esprits!
Prussiens, Germains, Anglais, défense vous est faite
De partager la France et de couper la tête
Qu'on appelle Paris.

Friday, April 3, 2015

"Le Rhin." par Jean Gentil (Le Louisianais - 6 Août 1870)

Chacun emplit son verre,
Son verre à sa façon:
Berlin aime la bière
Et Berlin a raison.

Cette bière elle-même
Engraisse quelque peu.
Quant au Français, il aime
Son vin couleur de feu.

Son immortelle France
Où le monde a tété
La vie et l'espérance,
L'amour, la liberté.

Quant à nous, à l'Amérique,
Prussiens et Français, qui
Débitons la barrique
De l'infernal whisky.

Pourquoi parler de guerre
Sur ce sol étranger?
Cela ne nous sied guère
Aussi loin du danger.

Au Rhin! mes gentilshommes,
Au Rhin des Strasbourgeois!
Car ici nous ne sommes
Hélas! que des bourgeois.

Thursday, April 2, 2015

"Pendaison" par Jean Gentil (Le Louisianais - 30 Juin 1870)

"La vie est chose amère"
Disait jadis Rotrou,
Par Dieu! c'est le Chimère
Valsant dans un vieux trou.

Mes amis, pourquoi vivre
Dans l'imbéchlité,
Puisque la mort délivre
Pour toute éternité?

Moi je me pends -- insigne
Volupté des hauts cieux!--
Au charmant cou de cygne
De ma Rose aux grands yeux.


Wednesday, April 1, 2015

"A. Barbès" par Jean Gentil (Le Louisianais - 16 Juin 1870)

A notre siècle impur d'orgie et de boutique,
De lâche publicain,
Lorsqu'un homme taillé sur un patron antique,
Meurt en républicain;
 
Quand il n'a point pâli devant la guillotine
Et le couteau mortel,
Comme si l'échafaud, une sombre machine,
Dût être son autel;
 
Quand la prison le vit calme et toujours le même,
Rêvant par ses barreaux,
Croyant aux jours meilleurs, attendant sans blasphême,
Souriant aux bourreaux;
 
Quand il a préféré l'exil et le silence
Aux dons d'un empereur,
Où donc pèserez-vous,et dans quelle balance,
Ce chevalier sans peur?
 
Barbès est mort debout! Enfants, vieillards et femmes,
Vous qui croyez à Dieu, vous qui croyez aux âmes,
Saluez comme nous ce grand et noble coeur
Qui vécut en martyr et mourut en vainqueur.