Monday, January 2, 2017

"Souvenir" par Cetudo (The Lafayette Advertiser - 27 juillet 1889)

Je révais qu'habitant, dans un pays nouveau,
Pays charmant, rieur, où tout me semblait beau
Je voyait tout à coup sortir d'un nuage
Un ange, une beauté avec un doux visage.
Le rève fut trop court, la verité revint
Je me trouvais tout seul, en pleurant de chagrin.

Je partis en voyage, voyage de plaisir
Vers un pays joyeux où tout vous semble rire
J'y vis du Tout-Puissant la si belle nature
Qui change la tempête en un charmant murmure
Et j'y vis la forêt aux accents mystérieux
Avec ces bruits étranges et ces oiseaux des cieux.

Je songeais tristement à la misière humaine
Lorsque le souvenir d'une vision lointaine
Revint à mon esprit: C'est l'ange de mon songe
Qui venait me troubler par un divin mensonge
Et Rallumer soudain un souvenir parti
Il m'obscédait encore et ne s'est point enfui...

Je quittais en émoi ce rivage enchanté
Chassant le souvenir de ce visage aimé,
Quand! o joie, o bonheur! je vis devant mes yeux
La douce et belle vision, c'était l'ange des cieux,
Alors je bénis Dieu de mon songe passé
Et me livrai soudain au doux plaisir d'aimer

Helas! est-ce un crime d'aimer ici-bas
Qui donc peut s'en defendre et dire: Je n'aime pas.

Lafayette, le 21 Juillet, 1889.

"Deui' s d'automne" par J.L (Le Meschacebe - 25 novembre 2017)

Les belles frondaisons jaunies
S'éparpillent dans les sillons;
Des voix manquent aux symphonies
En pleins champs des oisillons.

Le soir, dans les parcs solitaires
Ne clignotent plus les quinquets
Des vers-luisants qui des parterres
Eclairaient les sports des criquets.

Et dans leur brume diaphane
Les nuits n'ont plus ni voix ni chants,
Comme en juillet, lorsque l'on fane
Et revient par couples des champs.

Les boeufs, dédaignant la pâture,
Meuglent tout le jour bêtement,
Le nez posé sur la clôture
Et l'oeil mi-clos béatement.

Oh! cette tristesse d'automne,
Ces bois qui pleurent dans les eaux,
Et cette plainte monotone
Dont nous poursuivent les troupeaux;

Ce silence de nécropole
Dont nous sommes comme en vahis,
Ce peuple d'oiseaux qui s'envole
Loin, loin, vers d'autres pays;

La presque nuit de nos demeures
Qui nous font les jours incertains
Ajoutant à l'ennui des heures
Devant des feux sans cesse éteints;

Et ce lointain parfum des roses
Que nous conservons de l'été,
Et cet écho mourant de choses
Qui parlaient amour et beauté,

N'assombrissent-ils pas tout être
A qui vivre fut savoureux?
Ou n'attristeraient-ils, peut-être
Que les poètes douloureux?

Ainsi, pleurez, pauvres poètes,
Eternels mécontents du sort;
Parmi les natures muettes,
Pleurez seuls lorsque tout est mort.