Monday, January 18, 2016

"Des Hirondelles" de Jean Gentil (4 Février 1888 - Le Meschacébé)

C'est bien étrange, certe,
Et, Dornier, mon ami,
Cela me déconcerte
Un peu plus qu'à demi.

Car, le vingt-quatrième
Jour de janvier dernier,
J'ai vu, j'ai vu moi-meme,
Moi-meme, jardinier,

Dans un ciel gris et sombre,
Ciel de pluie et d'ennui,
Qui nous versait son ombre
Triste et sa demi-nuit,

J'ai vu, je te l'affirme,
J'ai vu, j'en suis certain,
Vidi, je te confirme
La chose en bon latin;

Et je pourrais bien meme,
Pour la mieux affirmer
Sans mensonge ou blasphème,
En grec la confirmer;

Car j'ai mangé de l'herbe
Grecque, à tort à travers,
Dans le jardin superbe
Des racines à vers;

J'ai vu, j'ai vu, te dis-je,
J'ai vu de mes deux yeux
Un étonnant prodige
Qui volait dans nos cieux,

Et qui, rasant la terre,
--La terre où nous souffrons
Et mourrons par mystère--
Y faisait de grands ronds;

J'ai vu des hirondelles,
Hirondelles, morbleu!
Qui revenaient fidèles
Par un ciel pas très beau!...

Qu'en dis-tu, vieil augure
Savant comme un Romain,
Et faut-il qu'on augure
Le printemps pour demain?

Ce serait, sur ma vie!
Pas trop délicieux;
Car j'ai l'âme ravie
Au renouveau des cieux.

Et lorsque primevère
Chansonne, aime et fleurit,
Mon vieux coeur point sévère
Rajeunit et sourit.

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