Monday, January 18, 2016

"Ténia" par Jean Gentil (21 Janvier 1888 - Le Meschacebe)

L'homme qui versicule
Est, soyez-en certain,
Un être ridicule
Qui connait le latin.

A lui sont les oreilles
Dont on dit sans façon:
"L'âne en a de pareilles
En rimant sa chanson."

Mais si point ne m'excuse
Pour les versiculets
Dont le public m'accuse,
Car je sais qu'ils sont laids ;

Et si j'ai, pauvre hère,
Le tort et le travers,
Quand je bêche la terre,
D'éparpiller des vers,

Je peux bien, sans offense,
Comme sans longs discours,
Dire pour ma defense
Que ces vers sont très courts.

Ce sont des vers sans haine,
Sans aiguillon, sans dard,
Sans gloriole humaine,
Sans apprêt ou sans art.

Un jardinier les rime
En chantant, en bêchant,
En faisant de l'escrime
Au beau milieu du champ.

Et si, n'ayant point l'aile
Où Phébus l'éclatant
Met sa vive étincelle,
Ils vivent un instant,

C'est bien, et je m'en moque
Comme d'un vieux sabot
Ou de la vieille moque
Dans laquelle bibo.

Mais que Dieu, dont le Livre
Nous chante Alleluia,
Te sauve et te délivre
Du très long ténia!

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