Tuesday, July 5, 2016

"La Femme" par Jean Gentil (Le Meschacébé - 9 juin 1888)

Je crois bien, sur mon âme!
Que la Bible a raison...
Et quiconque déclame
Contre elle est un oison.

Car si, d'un peu de terre,
Après avoir songé,
Dieu créa l'homme aptère,
L'homme a bien peu change.

Bien peu! Pourtant la boue,
Dans un sol trop mouillé,
Change la terre en boue,
O vieil Adam souillé!

Quoi qu'il en soit, le Maître,
Après avoir pétri,
L'homme, le nouvel être,
Cet animal qui rit,

Le Maître eut un beau rêve
Et le réalisa
Dans la blancheur d'une Eve
Qu'il emparadisa.

Et ce fut de la côte
D'Adam que Dieu tira
La femme un peu moins haute
Que l'homme, et caetera.

Aussi, tout fils d'Espagne,
Etant bon hildago,
Appelle sa compagne
Su costa, Sic ego.

Mais si l'homme lui-même,
Singulier animal,
Est un obscure problème
A vous donner du mal,

Que dire de la femme,
O Mulier! et comment
Analyser ton âme
Au moins passablement?

Car un savant Concile,
Sur le cas anima,
-- Un cas très difficile --
A Clarmont, s'exprima.

Et l'âme suspectée,
Mise en doute un instant,
Fut bel et bien votée
En latin, ça s'entend.

Et c'est juste, madame.
Pourtant Salerne a dit:
"Mulier est en fait d'âme
Quod"... Propos bien hardi!

Pour moi, je n'en veux dire
Que le bien que j'en sais,
Et je laisse médire
Quiconque est peu Français.

La femme a damné l'homme,
Je n'en disconviens pas,
Pour une simple pomme
A leur frugal repas.

Mais ils l'ont partagée,
Et, dans ce grand malheur,
La morale outragée
A connu le bonheur.




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