Tuesday, July 5, 2016

"Le Clou" de Jean Gentil (Le Meschacébé - 28 avril 1888)

En vérité, moi j'aime,
Poète des buissons,
Le vert printemps qui sème
Les flours et les chansons.

Et lorsque la nature
Fleurit en mai chantant,
Ma pauvre creature
De vieux en fait autant.

Je sens la poésie
Me revenir au cour,
Et j'ai la fantaisie
Du chant, comme un moqueur.

Et puis je me rappelle
L'âge heureux et charmant
Oh la jeunesse épèle
L'amour innocemment;

Où l'on cueillait ensemble,
Ne cueillant que cela,
La fraise qui ressemble...
A quoi donc?... Halte-là!

Mais le doux printemps rose,
Vert et bleu, parfumé,
Cette année est morose
Pour moi. Quel triste mai!...

Rond comme un oeuf de cane,
--Et je le sens pousser--
Un gros clou me chicane
Au dos, qu'il faut percer.

Cependant, o comtesse,
Malgré tout mon malheur,
Et toute ma tristesse,
C'est encor du bonheur.

Car le Printemps que j'aime,
Le printemps rose et beau,
Aurait bien pu lui-même
Me le planter moins haut.



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