Thursday, July 7, 2016

"Regret et espérance" de Théophile Dutreix (Le Meschacébé - 5 octobre 1861)

Je t'aime, o Liberté, vierge sainte et féconde,
Et de mon coeur ardent qui pourrait t'arracher!
Toi qui dans l'avenir promets la paix du monde,
A toi, toujours à toi je saurai m'attacher!

Ah! qu'il était joyeux, ton genie, Amérique,
Il répandait sur toi le progrès, ses trésors;
Les tyrans enviaient la grande république;
Le travail sur son sein produisait sans efforts.

Les peuples étrangers volaient vers sa lumière;
Ses généreuses mains leur offraient ses secours.
Qui jamais suprès d'elle eut connu la misère,
Et quelle mère aux siens prodigua plus d'amours!

Auprès de toi que fut cette Lacédémone?
Une ville orgueilleuse, au peuple de soldats.
Chez nous, o Liberté, pour sauver ta couronne,
Combien de Termopyles, de Leonidas!

Un nom, un nom chéri vit dans notre mémoire;
Dieu lui fit dépasser et César et Caton.
O genie immortel, toi dont la pure gloire
Brille dans l'Union, salut o Washington!

Je t'aime, o Liberté, vierge sainte et féconde,
Et de mon coeur ardent qui pourrait t'arracher!
Toi qui dans l'avenir promets la paix du monde,
A toi, toujours à toi je saurai m'attacher!
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Mais quell est donc ce bruit et ce timbre sonore?
Le tambour, le canon retentiraient encore!
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Qu'ai-je entendu? Le tocsin sonne,
Les peuples tremblent de fureur.
Le tambour bat, le canon tonne,
Je suis saisi d'effroi, d'horreur .
Partout, partout, des cris d'alarmes,
Chacun s'élance et prend les armes;
Loin de nous s'envole la paix.
Comme la vague mugissante,
Le bruit redouble, ou s'épouvante...
Courons, volons, mort aux Anglais!

Dans les cités, dans la campagnes,
A genoux, nos chères compagnes
Invoquent le nom du Seigneur.
Grand Dieu! ces apprêts formidables,
Ce fer, ces canons redoutables,
Ne sont pas contre l'étranger!
Non! l'homme armé de son tonnerre,
L'oeil en courroux, cherche son frère,
Et tous les deux vont s'égorger!

Pleure, pleure, vierge immortelle,
Pour nous ton règne va finir.
En proie à la guerre cruelle
Hélas! qu'allons-nous devenir?
La mort sera notre partage;
Le vol, le meurtre et le pillage
Hurlent partout au premier rang.
Une soldatesque effrénée,
Et dans le crime prosternée,
Se relève, rouge de sang!

....................................................

Quand au souffle du Nord la bruyante rafale
Du sapin séculaire ébranle les rameaux,
Et quand les monts géants la brise glaciale
Renverse les tombeaux;

Quand les nuages noirs en masses s'amoncellent,
Quand les vents en fureur sifflent à l'horizon,
Quand la foudre au loin gronde et l'éclair étincellent,
Quand brulé la moisson;

Ainsi par le fléau de la guerre est ternie
La sainte Liberté; tout tombe sans remord,
On entend bourdonner une étrange harmonie,
Musique de la mort.
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O mortels insensés,
Qui cachiez vos pensers
Sous des voix de Stentor,
Honte sur vous! Avides,
Vous n'eutes d'autres guides
Que l'appât d'un peu d'or.

Ah! que dans la mémoire,
Dans l'immortelle histoire,
Vos noms soient marqués là
D'une tache livide,
Duumvirat cupide
De Néron, de Sylla!
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Voici que la nuit sombre a déployé ses voiles.
Quel est cet inconnu révérant nos étoiles?
Il souleva la terre et le marbre, dit-on,
Et l'on vit, o terreur! une ombre palpitante
Tressaillir de douleur, de crainte et d'épouvante,
L'ombre de Washington

Mais le tambour battait
Et l'inconnu pleurait...

L'aigle reprit son vol, ouvrit sa large serre,
Et du nord au Midi dans le sang de son frère
Il marqua son chemin.
Le coeur noirci, d'orgueil, il perdit la mémoire
Et pour quelques dollars déchira son histoire,
Un mousquet à la main.

Sous son souffle empesté, partout le fer moissonne,
Impitoyable sort! Et l'airain qui résonne
Sème, sème le deuil.
Les corps couvrent  les corps, le sang rougit la plaine,
Le râle des mourants au bruit du fer s'enchaine,
O le triste coup d'oeil.
........................................................................

Mais le tambour battait
Et l'inconnu pleurait....

Et puis, toujours pleurant, il déploya ses ailes
Et monta dans l'espace, et loin de nos querelles
Eteignit son flambeau.
"Rive, o peuple insensé, ta despotique chain!"
Il dit, et tristement la liberté romaine,
Descendit au tombeau.

Il volait, il volait, et sans laisser sa trace,
Quand un corps éthéré vint à travers l'espace,
Et le ciel s'entr'ouvrit.
Génie, incline-toi! La voix harmonieuse
Retentit dans les airs, grande, majestueuse ,
Elle parle, elle dit:
....................................................................

................................Et puis tout fait silence!
Un parfum d'ambroisie en un nuage immense
Sé répand en ce lieu.
Et le front rayonnant, le fantôme se lève,
S'envole et vient planer sur le Sud et l'élève
Par les orders de Dieu.

O pays adore, que crains-tu? La tempête
S'éloignera bientôt . Vois déjà sur ta tête
Resplendir la clarté.
Déjà tes ennemis proclament ta victoire,
L'avenir est à nous, car sur toi veillent Gloire,
Génie et Liberté!

Je t'aime, o Liberté, vierge sainte et féconde,
Et de mon coeur ardent qui pourrait t'arracher?
Toi qui dans l'avenir promets la paix du monde,
A toi, toujours à toi, je saurai m'attacher!









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