Monday, July 11, 2016

"L'avenir de la langue française en Louisiane" (26 juillet 1879)

"L'avenir de la langue française en Louisiane" est une article qui était publié dans "Le Pionnier de l'Assomption" le 26 Juillet 1879 à Napoléonville.  L'auteur, François Tujague, est né en France en 1836, mais il a déménagé en Louisiane à l'age de 5 ans. Il est devenu le préident de l'Union Française et le vice-président de l'Athéné Louisianais.


Grâce aux récentes ordonnances adoptées par la Convention, l'avenir de la langue française en Louisiane est désormais entre les mains de ses amis.

Pour nous franco-louisianais, la question se pose nettement: Voulions-nous faire revivre parmi nous, voulons-nous faire enseigner à nos enfants cette langue que nous tenons à nos pères? Voulons-nous enrayer le mouvement qui l'enlevait graduellement de nos foyers, de nos mœurs, de nos habitudes, et qui l'emportait vers les oubliettes du passé?

Voilà la question. L'occassion est propice. Nous avions déjà, pour plaider notre cause, la tradition, un long usage, le nombre imposant des habitants de langue française.... Nous aurons désormais plus que cela: nous aurons le droit écrit, la loi inscrite dans la Constitution de l'Etat.

Mais ce droit, cette loi resteront lettres mortes si, le moment venu, nous n'en reclamons pas l'exécution.

Et qu'on ne suppose point que nous mettions en doute le bon vouloir de nos autorités. Nous saisisons même avec empressement, avec joie, cette occassion d'offrir à nos concitoyens de langue anglaise qui font partie de la Convention, l'expression de notre vive reconnaissance. Ils ont, dans le cours des débats , montré pour notre langue une bienveillance, nous dirons plus, un respect qui est pour nous une consolation et un espoir.

Mais, ne l'oublions pas, la Convention n'impose point aux autorités de l'Etat l'exécution des mesures adoptées en feveur de la langue française: elle autorise simplement les futures législatures à les mettre en pratique.

"Les études pourront, dit-elle, avoir lieu, sans autre frais, en langue française..."... "La législature pourra pouvoir à la publication des lois en français..." C'est une tolérance, ce n'est point un ordre. C'est à nous de faire d'une promesse une réalité. Le voudrons-nous? Assurément! Mais il faut le vouloir résolument, absolument, unanimement; il faut le vouloir et, quand l'heure aura sonné, agir avec énergie.

La population créole, cette population si richement douée, après une éclipse produite par une série de désastres, reprend, dans la direction, des affaires publiques, le rang qui lui appartient doublement, et par droit de naissance et par droit de conquête. Nous voyons à la Convention des juristes de distinction et des orateurs écoutés qui portent des noms français, nous en verrons, sans nul doute, à la prochaine législature.

Voilà nos mandataires et nos défenseurs; voilà les avocats de notre cause que nous appellerons sacrée, parce qu'elle touche à tout ce que nous aimons, à tout ce que nous respectons,--à la mémoire de nos aïeux, aux joies de la famille, au bien-être future de nos enfants, --au passé, au present et à l'avenir.

Mais tout madataire, fidèle à sa mission, s'inspire de la pensée de ceux qu'il représente. S'il n'adopte pas sans réserve le mandat impératif qui ne laisse à son jugement aucune initiative, il s'attache néanmoins à refléter, dans ses paroles et dans ses actes, les vues de ceux qui, en lui accordant leurs suffrages, lui imposés cette promesse explicite ou tout au moins, sous entendue. Il en est qui l'oublient.

C'est donc à nous d'exprimer hautement notre volonté; c'est à nous de tracer à nos représentants la ligne à suivre, de leur faire, de leure faire entendre qu'ils aient à réclamer, au nom de leurs constituants, l'application de la loi.

Mais les Louisianais, si nous en croyons certains esprits chagrins, ne seraient peut-être pas unanimes à demander l'exécution des nouvelles ordonnances.

C'est là certainement une erreur.

On aura pris pour de l'apathie le découragement qui s'était emparé, sous l'oppresion radicale, des vieilles populations louisianaises. Nous croyons que leur indifférence n'était, au fond, que de la resignation.

L'on comprend, d'ailleurs, qu'en presence d'un pouvoir hostile, mais légale, les Créoles aient cru devoir se renfermer dans une réserve, dans un silence, qui ne manqueaient pas de dignité. Mais aujourd'hui qui le droit écrit s'ajoute à l'équité de leur cause, aujourd'hui que leur voix, dans une certaine mesure, a reconquis son ancienne influence, nous ler verrons certainement revendiquer pour leurs enfants un privilège dont l'importance ne saurait leur échapper.

Un Américain de beaucoup d'intelligence, M. Sutherlin, disait récemment à la Convention "que loin de vouloir proscrire le français en Louisiane, il voudrait s'y encourager, l'y répandre; qu'il donnerait tout au monde pour le parler et l'écrire..." Et cette declaration, prononcée avec chaleur, a trouvé parmi nos concitoyens de langue anglaise, des échos sympathiques.

Quoi d'étonnant, d'ailleurs, à cela?

Tout homme intelligent, un peu au fait des choses, désire connaître le français; il désire se familiariser avec la langue d'un pays qui tient, -- qui a toujours tenu, -- dans le mouvement scientifiqu, littéraire, politique, -- dans la marche de la civilisation moderne, en un mot, une place considérable.

Et que cet homme, soit littérateur, magistrat, négociant, ou simple ouvrier,-- cet homme, s'il a les facultés tant soit peu développées, sent l'utilité dans toutes les carrières de cet idiome si répandu ici et si recherché dans tout pays où on lit, où l'on pense, où l'on entre pour quelque chose dans le courant industriel. commercial ou intellectuel.

Cet homme, enfin, s'il ne connaît qu'une langue, -- fut-ce l'anglais,-- sait qu'il est, scientifiquement et commercialement, l'inférieur de celui qui en possède deux, et il doit désirer faire disparaître cette cause d'infériorité.

En Louisiane, la génération nouvelle, celle qui a grandi pendant la période radicale, s'est, jusqu'à certain point, déshabituée du français. C'est regrettable, mais le mal n'est pas sans remède.

La langue française, exilée par ses ennemis des écoles graduites de l'Etat, n'a plus été à la portée des bourses appauvries, sinon vidées, par la guerre civile et ses désastreuses conséquences. Les enfants à qui l'on n'enseignait que l'anglais, se sont habitués à ne parler que cette langue, et cette habitude contractée à l'école, ils l'ont conservée dans leur relations entre eux et même sous le toit paternel. Les parents, eux-mêmes, dans bon nombre en cas, ont cédé au mouvement, et c'est ainsi que dans certaines familles françaises par le nom l'origine, l'anglais est devenu la langue du foyer.

Eh! bien, nous croyons le moment venu de réagir contre cette tendance à délaisser comme une étrangère une langue que nous avons appris à bégayer sur les genoux de nos mères. Nous croyons l'heure venue de lui rendre au foyer, dans nos coeurs et dans l'instruction de nos enfants, la place qui lui revient légitimement.

Pour ceux d'entre nous qui habitent les régions de l'Etat où domine l'élément franco-louisianais, il n'y aura plus désormais, nous ne disons pas de raison, mais même de prétexte, pour négliger de faire enseigner à leurs enfants le français.

Et le père, pénétré de l'excellence et de l'utilité de cet idiome, pourra tenir à son fils ce langage;

-- Grâce à la loi nouvelle, mes ressources, quoique très limitées, ne m'empecheront plus de te faire apprendre, en même temps que l'anglais, cette langue que nous avons tous, de père en fils, parlé avec amour... Maintenant, cela ne me coûtera pas dadvantage.

Il te sera, d'ailleurs, toujours très utile de connaître le français.

Si tu es appelé à voyager, si tu dois aller à Paris, où tu iras certainement si tu visite l'Europe, car Paris est l'objectif séduisant, l'aimant qui attire à lui irrésistiblement les voyageurs instruits des deux mondes, si tu dois aller à Paris, dis-je, il serait tout simplement ridicule que, portant un nom français, élevé dans une ancienne colonie française, la langue française te fut inconnue.

Tandis, qu'en te familiarisant avec cette langue, et te penetrant de ses secrets, de ses beautés, tu pourras peut-être, à l'example de beaucoup de Louisianais, faire à Paris ton chemin et même, qui sais-je! figurer, comme certains de tes compatriotes, parmi les esprits distingués, parmi les écrivains populaires de la grande capitale.

Mais dusses-tu ne jamais quitter ton pays, l'utilité du français serait encore incontestable.

Ici, où l'on parvient à tout, tu peux devenir professeur, médecin, avocat et même juge.

Juge, tu pourras, comme on l'a dit avec raison, éclairer ta conscience, en allant puiser à la source la vérité sur le droit public en Louisiane, car c'est du Code Napoléon qu'il nous vient.

Avocat, tu saisiras mieux le sens des lois en les étudiant dans le texte, et tu les interprèteras avec plus de science et d'autorité.

Médecin, ta connaisance du français te vaudra la préférence des malades qui, ne pratiquant que cette langue, veulent avant tout comprendre leur médecin et être compris de lui; et cette considération n'est pas de moins importantes, lorsqu'on réfléchit au nombre très grands de résidents de la Louisiane, qui ne parlent point, ou qui ne parlent qu'imparfaitement l'anglais.

Professeur, tu auras sur tes confrères anglo-saxons l'avantage de pouvoir enseigner les deux langues du pays, avantage désormais précieux et qui, grâce à la loi nouvelle, ouvrira à ceux qui le possèderont des horizons nouveaux, des perspectives sérieuses de succès.

Mais peut-être seras-tu homme de loisir et d'étude; ce que je te souhaite, et dans ce cas, je ne dois pas dérober à ta vie le plaisir le plus doux peut-être, mais à coup sûr le plus intelligent, celui de pouvoir lire sans interprète et savourer à tes heures les chefs-d'oeuvre de cette littérature française qui jette dans le monde un si grand rayonnement.

Mais si mes rêves de prospérité pour toi ne doivent point se réaliser, si tu dois rester humble ouvrier ou simple employé de commerce, si tu dois demander à l'âpre labeur de chaque jour le pain de ta famille, alors mon devoir de père me fait une loi de te mettre en mesure de gagner ta vie, d'enrichir ton bagage de tous les éléments de réussite qui rentrent dans mes moyens, de t'armer, en un mot, de toutes pièces, pour la lutte du prolétaire.

Or, en Louisiane, où le français est la langue maternelle d'un tiers de la population, cet idiome, pour le travailleur qui a besoin de tout le monde, me parait d'une utilité indiscutable. L'expérience de tous les jours nous le démontre, l'observation la plus superficielle le rend palpable.

Le patron, dans ses rapports avec l'ouvrier qu'il emploie, aime à se servir de son idiome habituel; il ne s'impose qu'à regret la contrainte d'une autre langue.

Le négociant, en quête de commis, donne la preférénce à celui qui, touts choses égales d'ailleurs, peut, en parlant la langue des acheteurs, conquérir leurs bonnes grâces et développer les transactions.

En passant en revue nos plus grands magasins, ceux où l'employé est le plus largement rétribué, ceux où il touche parfois un traitement de ministre, on remarque que la majeure partie des vendeurs se compose de jeunes gens parlant avec une égale facilité l'anglais et le français; et en cherchant la raison de ce fait, je découvre que c'est précisément à leur connaissance des deux langues que ces jeunes gens doivent leur bonne fortune.

Ceci n'est-il point concluant?

En résumé, l'usage du français peut être utile, comme tu le vois, dans toutes les carrières et dans toutes les situations de fortune. Je ne dois pas t'en priver, puisque désormais ma pauvreté ne sera plus un obstacle...

-- Le père, disons-nous, dois tenir ce langage à ces fils.... et agir en conséquence.
Et nous éloignerons ainsi le jour où nos enfants ne saurons plus lire aux cimitières les inscriptions françaises gravées sur les tombes de leurs aieux.




Thursday, July 7, 2016

"Regret et espérance" de Théophile Dutreix (Le Meschacébé - 5 octobre 1861)

Je t'aime, o Liberté, vierge sainte et féconde,
Et de mon coeur ardent qui pourrait t'arracher!
Toi qui dans l'avenir promets la paix du monde,
A toi, toujours à toi je saurai m'attacher!

Ah! qu'il était joyeux, ton genie, Amérique,
Il répandait sur toi le progrès, ses trésors;
Les tyrans enviaient la grande république;
Le travail sur son sein produisait sans efforts.

Les peuples étrangers volaient vers sa lumière;
Ses généreuses mains leur offraient ses secours.
Qui jamais suprès d'elle eut connu la misère,
Et quelle mère aux siens prodigua plus d'amours!

Auprès de toi que fut cette Lacédémone?
Une ville orgueilleuse, au peuple de soldats.
Chez nous, o Liberté, pour sauver ta couronne,
Combien de Termopyles, de Leonidas!

Un nom, un nom chéri vit dans notre mémoire;
Dieu lui fit dépasser et César et Caton.
O genie immortel, toi dont la pure gloire
Brille dans l'Union, salut o Washington!

Je t'aime, o Liberté, vierge sainte et féconde,
Et de mon coeur ardent qui pourrait t'arracher!
Toi qui dans l'avenir promets la paix du monde,
A toi, toujours à toi je saurai m'attacher!
..........................................................................

Mais quell est donc ce bruit et ce timbre sonore?
Le tambour, le canon retentiraient encore!
..........................................................................

Qu'ai-je entendu? Le tocsin sonne,
Les peuples tremblent de fureur.
Le tambour bat, le canon tonne,
Je suis saisi d'effroi, d'horreur .
Partout, partout, des cris d'alarmes,
Chacun s'élance et prend les armes;
Loin de nous s'envole la paix.
Comme la vague mugissante,
Le bruit redouble, ou s'épouvante...
Courons, volons, mort aux Anglais!

Dans les cités, dans la campagnes,
A genoux, nos chères compagnes
Invoquent le nom du Seigneur.
Grand Dieu! ces apprêts formidables,
Ce fer, ces canons redoutables,
Ne sont pas contre l'étranger!
Non! l'homme armé de son tonnerre,
L'oeil en courroux, cherche son frère,
Et tous les deux vont s'égorger!

Pleure, pleure, vierge immortelle,
Pour nous ton règne va finir.
En proie à la guerre cruelle
Hélas! qu'allons-nous devenir?
La mort sera notre partage;
Le vol, le meurtre et le pillage
Hurlent partout au premier rang.
Une soldatesque effrénée,
Et dans le crime prosternée,
Se relève, rouge de sang!

....................................................

Quand au souffle du Nord la bruyante rafale
Du sapin séculaire ébranle les rameaux,
Et quand les monts géants la brise glaciale
Renverse les tombeaux;

Quand les nuages noirs en masses s'amoncellent,
Quand les vents en fureur sifflent à l'horizon,
Quand la foudre au loin gronde et l'éclair étincellent,
Quand brulé la moisson;

Ainsi par le fléau de la guerre est ternie
La sainte Liberté; tout tombe sans remord,
On entend bourdonner une étrange harmonie,
Musique de la mort.
...............................................................

O mortels insensés,
Qui cachiez vos pensers
Sous des voix de Stentor,
Honte sur vous! Avides,
Vous n'eutes d'autres guides
Que l'appât d'un peu d'or.

Ah! que dans la mémoire,
Dans l'immortelle histoire,
Vos noms soient marqués là
D'une tache livide,
Duumvirat cupide
De Néron, de Sylla!
...................................................................

Voici que la nuit sombre a déployé ses voiles.
Quel est cet inconnu révérant nos étoiles?
Il souleva la terre et le marbre, dit-on,
Et l'on vit, o terreur! une ombre palpitante
Tressaillir de douleur, de crainte et d'épouvante,
L'ombre de Washington

Mais le tambour battait
Et l'inconnu pleurait...

L'aigle reprit son vol, ouvrit sa large serre,
Et du nord au Midi dans le sang de son frère
Il marqua son chemin.
Le coeur noirci, d'orgueil, il perdit la mémoire
Et pour quelques dollars déchira son histoire,
Un mousquet à la main.

Sous son souffle empesté, partout le fer moissonne,
Impitoyable sort! Et l'airain qui résonne
Sème, sème le deuil.
Les corps couvrent  les corps, le sang rougit la plaine,
Le râle des mourants au bruit du fer s'enchaine,
O le triste coup d'oeil.
........................................................................

Mais le tambour battait
Et l'inconnu pleurait....

Et puis, toujours pleurant, il déploya ses ailes
Et monta dans l'espace, et loin de nos querelles
Eteignit son flambeau.
"Rive, o peuple insensé, ta despotique chain!"
Il dit, et tristement la liberté romaine,
Descendit au tombeau.

Il volait, il volait, et sans laisser sa trace,
Quand un corps éthéré vint à travers l'espace,
Et le ciel s'entr'ouvrit.
Génie, incline-toi! La voix harmonieuse
Retentit dans les airs, grande, majestueuse ,
Elle parle, elle dit:
....................................................................

................................Et puis tout fait silence!
Un parfum d'ambroisie en un nuage immense
Sé répand en ce lieu.
Et le front rayonnant, le fantôme se lève,
S'envole et vient planer sur le Sud et l'élève
Par les orders de Dieu.

O pays adore, que crains-tu? La tempête
S'éloignera bientôt . Vois déjà sur ta tête
Resplendir la clarté.
Déjà tes ennemis proclament ta victoire,
L'avenir est à nous, car sur toi veillent Gloire,
Génie et Liberté!

Je t'aime, o Liberté, vierge sainte et féconde,
Et de mon coeur ardent qui pourrait t'arracher?
Toi qui dans l'avenir promets la paix du monde,
A toi, toujours à toi, je saurai m'attacher!









"Sur La Mort De Monseigneur Janssens" de G. Gay (La Sentinelle de Thibodaux - 26 juin 1897)

Ils sont en deuil, les catholiques;
Les églises sonnent des glas:
De noir, on tente les portique,
De qui pleure-t-on le trépas?

Cet archevêque remarquable
Que toute notre ville aimait,
L'affreuse mort impitoyable
Hélas! l'autre jour le fauchait!

Il s'en allait plein d'espérance
Revoir son cher pays natal
Ayant peut-être l'assurance
Qu'il y guérirait de son mal.

Il revint entouré de glace,
Les membres raidis par la mort,
Conservant encore sur la face
Ce doux air qui plaisait si fort.

Son éloge n'est pas à faire;
Chacun le connut comme moi,
Pour tous, il fut toujours un père;
Car la bonté, c'était sa loi.

Sa mort à sa vie est semblable;
Elles sont belles toutes deux.
Aussi, ce pasteur charitable
Là-haut doit être bien heureux!

C'est dans sa seconde patrie
Que pour toujours il dormira,
Et sa mémoire tant chérie,
Ici, longtemps, se gardera.

Tuesday, July 5, 2016

"Zola" par Jean Gentil (Le Meschacébé - 16 juin 1888)

Zola, j'ai lu ton livre,
Et j'ai cru, le lisant,
Que tu devrais être ivre
Ou soûl en le faisant.

Je te savais grand maître
En fait de saleté,
Ayant pour façon d'être
Toute malpropreté...

Notre siècle défie,
Du reste, la pudeur,
Et la pornographie
Lui semble une splendeur.

Mais la sale Nature
Où, Zola, des deux mains,
Tu prends la pourriture
Des documents humains,

Est donc inépuisable
Dans ses infections,
Puante et méprisable
Dans ses creations?...

Et, ténébreux archange,
N'aurais-tu donc des yeux
D'amour que pour le fange
Rayonnant sous les cieux?

Au parfum de rose
Qu'un baiser sait ouvrir
Tu préfères la prose
Que le chat sait couvrir.

N'aurais-tu donc, o Maître,
O merveilleux Zola!
Par goût ou façon d'être,
Du nez que pour cela?

Et crois-tu qu'il soit sage,
Dans tes romans punais,
De mettre à tout passage
Ton nom que je connais?

Au demeurant, ta prose,
Bien que ne sentant point
Les parfums de la rose,
S'embrène au plus haut point.

Car ta Nana pourrie,
Dont les chiens ont dégoût
Malgré leur gueuserie,
N'est pas un fond d'égout.

Et Terre, boue infâme
Où la nature n'a
Point de coeur et point d'âme,
A fait rougir Nana.


"La Femme" par Jean Gentil (Le Meschacébé - 9 juin 1888)

Je crois bien, sur mon âme!
Que la Bible a raison...
Et quiconque déclame
Contre elle est un oison.

Car si, d'un peu de terre,
Après avoir songé,
Dieu créa l'homme aptère,
L'homme a bien peu change.

Bien peu! Pourtant la boue,
Dans un sol trop mouillé,
Change la terre en boue,
O vieil Adam souillé!

Quoi qu'il en soit, le Maître,
Après avoir pétri,
L'homme, le nouvel être,
Cet animal qui rit,

Le Maître eut un beau rêve
Et le réalisa
Dans la blancheur d'une Eve
Qu'il emparadisa.

Et ce fut de la côte
D'Adam que Dieu tira
La femme un peu moins haute
Que l'homme, et caetera.

Aussi, tout fils d'Espagne,
Etant bon hildago,
Appelle sa compagne
Su costa, Sic ego.

Mais si l'homme lui-même,
Singulier animal,
Est un obscure problème
A vous donner du mal,

Que dire de la femme,
O Mulier! et comment
Analyser ton âme
Au moins passablement?

Car un savant Concile,
Sur le cas anima,
-- Un cas très difficile --
A Clarmont, s'exprima.

Et l'âme suspectée,
Mise en doute un instant,
Fut bel et bien votée
En latin, ça s'entend.

Et c'est juste, madame.
Pourtant Salerne a dit:
"Mulier est en fait d'âme
Quod"... Propos bien hardi!

Pour moi, je n'en veux dire
Que le bien que j'en sais,
Et je laisse médire
Quiconque est peu Français.

La femme a damné l'homme,
Je n'en disconviens pas,
Pour une simple pomme
A leur frugal repas.

Mais ils l'ont partagée,
Et, dans ce grand malheur,
La morale outragée
A connu le bonheur.




"L'Homme" par Jean Gentil (Le Meschacébé - 2 juin 1888)

Qu'est-ce que c'est que l'Homme,
L'Anthropos grec, l'Homo
Des Latins, et qu'on nomme
Quelquefois un marmot?...

Le marmot, chère dame,
Est un singe, très laid,
Très gros, n'ayant point, d'âme,
Candatus et complet.

Littré le philologue,
Et le penseur hardi,
Avant son épilogue,
Le crut et nous l'a dit.

Mais oui, qu'est-ce que l'Homme,
Et qui donc, l'ayant pris
Dans le Deutéronome
Ou Platon, l'a compris?...

Qui donc, voyant sur terre
Ce singulier museau,
Ce singulier mystère,
Ne s'est dit: Quel oiseau!

Se comprend-il lui-même,
Et, depuis vingt mille ans,
N'est-il pas un problème
D'ombre pour les savants?

Pourtant ce n'est pas faute
De l'avoir défini
Avec sa mine haute
Et son front dégarni.

Car le poète Ovide
Ainsi s'est exprimé
Dans son grand vers très vide
Et creux: On sublime...

Un autre le proclame,
Sans hésitation,
Roi par corps et par âme
De la creation.

Plus modeste, un troisième
Définit en deux mots,
Sa magesté supreme;
"Le Roi des animaux?"

Et ce titre est peut-être
Un titre mérité,
Car l'on ne devient maître
Que par méchanceté.

Mais si l'Homme d'Athènes,
Par Platon mal nommé,
N'est point un Démosthènes,
Mais un "coq déplumé"

S'il a, dans son bas âge,
Quatre piends, à midi
Deux, et trois quand il est sage,
Comme le Sphinx l'a dit;

Comment ce drôle d'Homme,
Qui n'a ni feu ni lieu,
Peut-il bien, selon Rome,
Etre le fils de Dieu?

Mais cela fait trop rire!
Talis pater, qualis...
Non, j'aime mieux sourire,
Aimant les gens polis.

Quoi qu'il en soit, un autre
Definitor à faux,
Qui n'est point un apôtre
Comme d'Aquin--s'en faut--

Prétend, affirme même,
Car il voit, car il sent,
Que l'Homme a le système
D'un "animal pensant."

Et le chien et la femme,
Avec ou sans vertu,
Mais embellis d'une âme,
Pour qui donc les prends-tu?

Voltaire, lui, sans être
Aussi prétentieux,
Et sans vouloir connaître
Le grand secret des cieux,

Disait simplement: L'Homme
Sauf l'Académicien,
Sauf aussi l'astronome
Et le vieux musician,

De la bête diffère
Simplement en ceci:
"Boire sans soif et faire
L'amour l'hiver aussi."

Et les vieux?... Mais Madame
De Stael, qui connut
Talleyrand, un vieil infâme,
Et qui le vit à nu,

Disait de lui: "Cet Homme
Est du fimus en bas
De soie, et qu'on nomme
En se parlant tout bas."

Sachant ce que nous sommes ,
Corinne a dit aussi:
"Since I know you, les hommes,
J'aime les chiens." Merci.

L'Homme? Qu'est-ce que L'Homme?
Le dirai-je. Volo.
C'est la chose que nomme
Cambronne à Waterloo.





"Le Clou" de Jean Gentil (Le Meschacébé - 28 avril 1888)

En vérité, moi j'aime,
Poète des buissons,
Le vert printemps qui sème
Les flours et les chansons.

Et lorsque la nature
Fleurit en mai chantant,
Ma pauvre creature
De vieux en fait autant.

Je sens la poésie
Me revenir au cour,
Et j'ai la fantaisie
Du chant, comme un moqueur.

Et puis je me rappelle
L'âge heureux et charmant
Oh la jeunesse épèle
L'amour innocemment;

Où l'on cueillait ensemble,
Ne cueillant que cela,
La fraise qui ressemble...
A quoi donc?... Halte-là!

Mais le doux printemps rose,
Vert et bleu, parfumé,
Cette année est morose
Pour moi. Quel triste mai!...

Rond comme un oeuf de cane,
--Et je le sens pousser--
Un gros clou me chicane
Au dos, qu'il faut percer.

Cependant, o comtesse,
Malgré tout mon malheur,
Et toute ma tristesse,
C'est encor du bonheur.

Car le Printemps que j'aime,
Le printemps rose et beau,
Aurait bien pu lui-même
Me le planter moins haut.



"Rara Avis" de J. Gentil (Le Meschacébé - 21 avril 1888)

Que Dieu te soit en aide!
Tu l'as prise, dis-tu,
"Assez bête, un peu laide
Et de grande vertu?"

Ces qualités, sans doute,
Ont du poids et du prix
Pour celui qui redoute
Et qui craint d'être pris.

Mais, crois-moi, la bêtise
De la femme se rit
Fort bien de la sottise
De l'homme ou du mari.

Nulle femme n'est bête
Quand le diable lui met
Certain désir en tête
Par avril ou par mai.

Quant au savant Végèce,
Dans re militari,
Dit-il que la sagesse
Sera laide, o mari?

Mais, par chef ou par tête!
Part sort!... je suis d'avis
Que rare est l'épithète
A la famille avis

Cependant, ô vieux Maître,
Juvénal positif,
Veux-tu bien me permettre
Le vrai superlatif.

Car rare, mon bonhomme,
Est chose de tantôt
A Paris comme à Rome,
Rarissima, plutôt!

"Le Crapaud" de J. Gentil (Le Meschacébé - 14 avril 1888)

Les moqueurs que rassemble
L'amour du mot-à-mot
Veut conjuguer ensemble
Le verbe amo

Et c'est, presque à voix haute,
L'indicatif présent
Qu'ils conjuguent sans faute,
En s'amusant.

-- Amo, Mademoiselle,
Amo, dit le moqueur...
-- Amo, répond l'oiselle
De tout mon coeur...

Et l'on entend leurs ailes,
Dessous les arbres verts
Qui leur servent d'ombrelles
Rimer des vers.

Ces vers, dont l'harmonie
S'apprend en doux leçons
Et sans cérémonie,
Sont des chansons.

Mais un crapaud de terre,
Sous le lilas tapi,
Tout noir et solitaire,
En a dépit.

"C'est le printemps" de J. Gentil (Le Meschacébé - 7 avril 1888)

Poète, ouvre ta porte,
Ta fenêtre et ton coeur
A l'Avril qui t'apporte
Les chansons du moqueur.

L'Hirondelle est venu
Par un beau ciel béni,
Et je l'ai reconnue
Au bord de son vieux nid.

L'arbre vert a les feuilles
Du renouveau charmant,
Et les longs chèvrefeuilles
Grimpent en parfumant.

Le grand lilas que j'aime
Auprès de ma maison,
Que j'ai planté moi-même,
Est dans sa floraison.

Bonsoir, o laide prose
Des frimas de l'hiver!
Vois-tu, vois-tu la rose
Brisant son corset vert?

C'est le printemps lui-même,
Le printemps en humour,
Le printemps, doux poème
De jeunesse et d'amour.

Et le coeur de Marie,
Jusqu'alors calme et coi,
Seul en sa reverie,
Fait tic-tac... Et pourquoi?

Ce coeur, froid comme marbres
Jusqu'à ses dix-septs ans,
A-t-il vu dans les arbres
Des nids d'oiseaux chantants?

C'est que l'on peut entendre
Deux moqueurs rapprochés,
Se parler à voix tendre,
Sous les arbres cachés,

Un nid, c'est un deux rêve
Où l'un s'appelle Adam,
Où l'autre se nomme Eve,
Où l'amour est prudent.

Un nid, c'est un mystère
Sacré, délicieux,
Au-dessus de la terre,
Sous l'oeil bleu des grands cieux.

Ce qu'on y dit, Madame,
Côte à côte ou lié,
Vous ravit, dit-on, l'âme...
Pourquoi l'ai-je oublié?

O toi, printemps des roses
Et des parfums, redis
A mes vieux jours moroses
Tes chansons de jadis!

Printemps que j'apostrophe,
O printemps, ô printemps,
Redis-m'en une strophe,
La stophe et vingt ans!

Par où commençait-elle,
Par quel verbe divin
De la langue immortelle,
Mais que je cherche en vain?

Aide-moi donc, ma mie,
Aide-moi donc un peu;
Ma Muse est endormie,
Et trouver je ne peux.

Etait-ce difficile
Autrefois de chanter,
Quand la rime facile
Savait vous enchanter?

Mais amo, verbe tendre
Qui m'a longtemps ravi,
Ne se peut plus entendre
Et s'appelle amavi

Et philéo lui-même,
Mot grec, mot ravisant,
Doux mot que Phyllis aime,
Me soufflète en passant.

Le gai moqueur, ce drôle,
Ce chanteur enragé
Qui sait si bien son rôle
Se moque de J.G.

"Imperator" de J. Gentil (Le Meschacébé - 31 mars 1888)

Ce fut un très grand homme,
Dit-on, plus grand qu'aucun
Des empereurs de Rome
Ou qu'Atilla, le Hun!

Il a porté sur terre,
Près de quatre-vingts ans,
Le casque militaire
Et pointu des uhlans.

Il a, Teuton et reître,
Par Moitke le sournois,
Pris le Hanovre en traître
Et pillé le Danois.

Il a Prussien qui triche
Et qui veut tout avoir,
Battu la vieille Autriche
Et ruiné son pouvoir.

Il a, fort par le nombre
Et par la trahison,
Hissé son drapeau sombre,
France, sur ta maison.

Ce héros de Lusace,
O Strasbourgde de Kléber!
A volé notre Alsace,
Et ton Mets, o Fabert!

Il a, ce vieux Guillaume,
Si grand et si puissant,
Versé plus qu'aucun homme
Du sang, du sang, du sang.

Il eut pour son minister
Unique et singulier
Ce Bismark, ce sinistre
Et sanglant, Chancelier.

Il fut, gloire infinie!
Etant roux et Teuton,
Kaiser de Germainie
Pour schlague et par bâton.

Il est mort comme un autre,
Lorsque Dieu le voulut,
Un peu, moins qu'un apôtre.
Salut à lui, salut!

Monday, July 4, 2016

"Encore la poule" de Jean Gentil (Le Meschacébé - 24 mars 1888)

Par la très sainte ampoule
Dont sacrait saint Rémi!
Je hais, je hais la poule,
Je la hais, mon ami.

Je sais que la commère
Pond des oeufs frais, couve, a
Des sentiments de mère
Et fait un très bon plat.

Mais si je la fricasse
ou la mange en farci,
Cette poule jacasse,
Cancanne et gratte aussi.

Il n'est pas un bête
Ayant certainement,
Dans plus petite tête,
Si grand entêtement.

Chassez-la d'un parterre
Dix jours, vingt jours, cent jours,
La gratteuse de terre
Revient, revient toujours.

Et puis, je n'aime guère,
Dans ce siècle qui court,
Sa morale vulgaire,
Ses moeurs de basse-cour.

Quelle moeurs, o madame,
Des moeurs à révolter
La moins honnête femme,
Qui sait pourtant chanter!

Ehontée, infidèle,
Au premier coq venu
Qui veut s'approcher d'elle
Et chanter... c'est connu.

Elle a, l'entremetteuse,
La gueuse, la Laïs,
L'infernale gratteuse,
Détérré mon maïs!

"Le Maïs" de J. Gentil (Le Meschacébé - 17 mars 1888)

Le vert printemps qu'on aime
Va bientôt sourire. Or,
Il est temps que l'on sème,
O maïs, ton grain d'or.

Le mien déjà soulève
La croûte du sillon,
Cherche l'air pur et lève
Sa tête au doux rayon.

Et j'attends qu'il se hausse
Encore de deux doigts,
Pour que main la chausse,
Comme faire je dois.

Vous aussi. Mais attendre
Que d'autres aient mange
La soupe au maïs tendre,
Avant moi?... Nenni. J'ai,

Très fire de caractère
Et vigilant semeur,
La culte de la terre,
L'orgueil de la primeur

Et l'amour, o Madame,
Du maïs tendre. Car
Rien n'est bon, sur mon âme!
Comme le maïs. Karr,

Jardinier point morose
Jadis, qui sut conter
Fleurettes à la rose,
Aurait dû le chanter.

Moi je n'ose. Ma rime,
Vaut si peu vraiment! Et
Mes vers sont grand crime
Au Parnasse, un forfait

Peut-on bien rimer comme
Je le fais, à l'envers?
Et que penser d'un homme
Rimant de pareils vers?

Je crois que l'Athéné
Louisianais,
La rime est couronnée,
Me prendra pour un fou.

Mais qu'importe? J'adore,
Avec Dieu, mon auteur,
Le beau maïs que dore
Un soleil créateur.






"La Xme Muse" de J. Gentil (Le Meschacébé - 3 aout 1901)

Que cette Grèce antique,
Avec ses dieux, ses cieux,
Sa fable poétique
Et son nom gracieux,

Fut belle!... Et que nous autres,
Saxons, Germains, Anglais,
Dans les temps qui sont nôtres,
Hélas! nous sommes laids!

La Grèce incomparable
Créa dans la beauté
Tout le groupe admirable,
Tout le groupe enchanté

Des neuf Muses. Car elles
Furent neuf, toutes soeurs,
Aussi nobles que belles
Malgré nos professeurs.

Ces maîtres, d'habitude,
Ont le talent parfait
D'enlaidir par l'étude,
Ce que la grâce a fait!

Ils sont des gens d'école,
De vieux cuistres, tous ceux
Qu'un college racole
Parmi les plus caresseux!

Qu'importe!.... La première,
Qui se nommait Clio,
Portait une lumière,
L'Histoire, à son front haut.

Thalie, un peu hardie,
Mais non pas sans esprit,
Jouait la comédie,
Qui fait rire et qui rit.

Tragique, Melpomene
Prenait un fier accent
De passion humaine,
Qui ne craint pas le sang.

Tendre sans énergie,
Erato quelquefois
Pleurait dans l'élégie
Ses amours d'autres fois.

Calliope, elle-même,
Homère à son côté,
Chantait son grand poème
D'éternelle beauté.

Inspirée et lyrique,
Polymnie animait
La lyre pindarique,
O Grecs, qui vous charmait.

Sur la place d'Athènes,
Elle inspirait encor
L'éloquant Démosthènes
Par son puissant secord.

Car cette Muse antique
Avait aussi l'accent
Grec et patriotique
De l'orateur puissant.

Etoilée, Uranie,
De l'azur plein les yeux,
Admirait l'harmonie
Des astres radieux.

La souple Terpsichore,
Seins fermes et mi-nus,
Dansait et danse encore,
Plus fraiche que Vénus.

Euterpe, la neuvième,
Qui plait bien, modulait
Cette langue supreme
Que la Grèce parlait.

Elle était le genie
Des sons délicieux,
La musique infinie
Qui joint la terre aux cieux.

Comme elles étaient belles,
Belles, en vérité,
Et résumaient en elles
La Grèce et sa beauté.

Ces Muses dont le Maître,
Apolon, n'osait pas
Lui-même se permettre,
D'effleurer les appas!..

Car ces Muses de Grèce,
De grâce et de clarté,
Même dans l'allégresse
Et dans la volupté,

Même dans le délire
Où quelquefois l'accord
Fait trop vibrer la lyre,
Gardaient, gardaient encor

Toute la poésie
Que, dans l'envirement
De son aphrodisie,
Vénus ivrait gaîment.

Ces Muses sont restées,...
Comment dire cela
En phrases veloutées?..
La Grèce les voila.

La Grèce fut splendide,
Splendide en tout, et n'eut
Jamais rien de sordide
En sa splendeur de nu.

......................................
......................................

Mais nous autres qui sommes
Superbes en ces temps,
C'est-à-dire des hommes
Aux progrès éclatants,

Des hommes d'honorable
Imagination
Et de très admirable
Civilization,

Nous en avons fait Une
De hautre qualité.
Moderne, peu commune
Et d'étrange beauté.

C'est la Presse!... Une reine
Qui voit tout, qui dit tout,
Qui fait tout, souveraine
Ici, là-bas, partout!

Elle est universelle,
Avec des millions
De cris et de voix. Elle
Commande aux nations.

C'est la Muse dixième,
Ou pour exprimer mieux,
La seule et la suprême,
En nos temps glorieux.

Car les neuf interlopes
De la Grèce ont été
De très laides salopes
Près d'elle, en vérité.