Tuesday, March 10, 2015

"Caniques" par Jean Gentil (Le Louisianais - 1 Janvier 1870)

Quand notre ombre s'allonge
Dans le soir rembruni,
Ou bien qu'elle se plonge
Dans l'obscur infini,

Nous rêvons à la vie
Passée, à la saison
Où notre âme ravie
Chantait comme un pinson.

Celui-ci se rappelle
Le printemps radieux,
Lorsque l'enfant épèle
L'amour en de grands yeux.

Cet autre, aujourd'hui triste
Comme un enterrement,
Se souvient que l'artiste
Eût son rayonnement.

Et le troisième pleure
Sa dent, sa blanche dent,
Qui croquait tout à l'heure
La reinette d'Adam.

Pour moi, je ne regrette
Pointe l'amour,--- du vent!
La couronne,--- une aigrette!
Et plonge en avant.

J'ai pourtant souvenance
Que Dieu combla mes voeux
Par un coup de finance
A l'endroit d'un morveux.

Un jour, sous la grande arbre
A papa, j'ai gagné
Vingt caniques de marbre
A Coco Sévigné.

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