Friday, February 13, 2015

"Souvenirs," par Jean Gentil (Le Louisianais - 15 mai 1869)

Le front dans l'espérance,
Un pied dans l'avenir
Tu marches vers la France
Où je voudrais finir.
 
Pauvre de moi! j'expie,
En revolté vaincu,
Ma jeune audace impie....
Et je n'ai pas vécu.
 
Pourtant j'aime la France au rayon salutaire,
Au grand people d'aîeux,
Aux mains pleines azur, il semble que la terre
S'y rapproche des cieux.
 
Aux bancs de ses lycées,
J'usai mes pantaloons,
Trouvant plumes cassées
Pour maints thèmes trop longs.
 
Plus tard, près des gouttières,
Au vieux quartier latin,
J'eus des amours altières
Avec Mimi Catin.
 
Puis, tête échevelée,
Sans peur et sans effroi,
J'entrai dans la mêlée
D'un people contre un roi.
 
Et dans le bruit des âmes
Chantant la liberté,
Je vis passer des flammes
Qui devenaient clarté.
 
O France, j'ai pressé ta mamelle de mère,
M'enivrant de ton vin;
J'ai compris ta douleur à ma mesure tristesse amère,
Baissant ton front divin;
 
Je t'adore, étant celle
Qu'on adore toujours,
Puisque ton coeur ruisselle
D'éternelles amours.
 
Et cependant ma tombe
Doit verdir en ce lieu.
Lorsque la feuille tombe,
Où va-t-elle, ô mon Dieu?

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