Monday, June 15, 2015

"Les moineaux" par Jean Gentil (Le Meschacébé - 18 février 1888)

Tityre avait son hêtre;
Moi j'ai mon pacanier,
Un vieux, très vieux, peut-être
Du siècle avant-dernier.

Et qui peut dire même
Que ce roi des géants,
Vieux de vieillesse extrême,
N'ait pas quatorze cents ans?

Bien avant que Bienville
Eût. d'un geste puissant,
Fondé sa grande ville
En forme de Croissant,

Ce pacanier de taille
Superbe, audacieux,
Et qui livra bataille
A tous les vents des cieux,

A pu voir sous son ombre,
Par les beaux jours de mai,
Le Chactas à peau sombre,
Fumer son calumet.

Plus tard, quand la défaite
Eut chassé les Indiens,
Il a grandi son faite
Et vu les Acadiens.

C'est un bel arbre, un arbe,
Comme nous dit l'enfant,
Ayant la longue barbe
D'un vieillard triumphant.

Car l'arbre vénérable,
Le géant chevelu
Portant barbe admirable,
Chez nous est tout velu.

Pourquoi? c'est un mystère
Végétal et profond,
Comme il en est sur terre
Beaucoup, prétend Buffon.

Ou mieux, la Providence,
Dit l'ami Nicolas,
Nous donnait par prudence
Du crin pour matelas.

Quoi qu'il en soit, moi j'aime
Mon puissant pacanier,
Et j'y vois un poème
Donc voici le dernier

Chant: Quand la sève monte
A l'arbre et dans les coeurs,
Et que l'amour sans honte
A des élans vainqueurs;

Au printemps, quand tout être
Vivant, tout animal,
Et l'arbre aussi peut-être,
Pense à bien, non à mal,

Mon pacanier où vole
Tout un people en ébats,
Bruyant, content, frivole,
Chante de haut en bas.

On y voit une bande
De moineaux piaillards,
Faisant le contrebande
En pillards et paillards.

Car le moineau, chérie,
Connu pour son caquet
Et sa paillarderie,
Se nomme aussi friquet.

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