Tuesday, June 16, 2015

"Miel et Fiel" de Jean Gentil (Le Meschacébé - 9 juillet 1887)

C'était au printemps. Elle
En avait environ
Vignt. Pour charmante et belle,
Malgré son nez trop rond,

Elle l'était. Puis, comme
Rose avait épousé
Un honnête jeune homme
Point encore blasé,

On s'aimait d'amour tendre....
Et, véritablement,
C'était plaisir d'entendre
Leur doux roucoulement.

A cet age, on se mange,
Turtures in ulmo,
Et du cher et de l'ange
On fait un même mot.

Dieu! quelle poésie
De printemps parfumé,
De miel et d'ambroisie,
Aux bras du bien-aimé!...

On n'est plus sur la terre!...
Ou mieux, tout près du ciel,
On s'enivre au mystère
De la lune de miel.

Quelle lune, ô Madame!
Et comme l'on y mord
De tout coeur, de toute âme,
A la vie, à la mort!...

Quelle lune adorable
Au ciel(?) du premier jour!
Quelle lune admirable
Où le miel est l'amour!...

Et chaque paroissienne,
Ayant son paroissien,
A plus ou moins la sienne:
Aussi le musician.

Oui; mais combien d'années,
De jours délicieux
Ou d'heures fortunées,
Brille-t-elle en nos cieux?...

Sans respect pour notre ange
Et sa fragilité,
Chacun de nous la mange
Avec gravité!...

Et de la douce lune,
Si belle en son entier,
Il nous reste à peine une
Ombre au premier quartier.

C'est alors que le rève
Se fond comme le miel,
Et qu'une autre se lève
Pour toujours dans du fiel.

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