Thursday, June 11, 2015

"Souvenirs" par J. Gringoire (Le Louisianais - 26 Avril 1873)

IV.

Or, c'était le dimanche, en Mai, le mois aimé,
Quand la nature met son voile parfumé,
Lorsque les arbres verts ont des chants et des ombres,
Et que nous n'avons plus de ces tristesses sombres,
Qui sont un deuil, Alors tout rayonne et sourit,
Le soleil est divin et notre coeur fleurit;
Aux parfums du printemps nous entrouvrons notre âme,
Et nous sommes heureux. C'est le temps où la femme
A des rêves sacrés qui lui viennent des cieux,
Où l'homme s'attendrit, où les fronts gracieux
S'inclinent pour prier la prière des anges,
Où nous dépouillons tous, chrysalides étranges,
L'enveloppe de boue. Heureux bois! Heureux temps!
Céleste renouveau! Les roses du printemps
Pleuvent autour de nous; l'aubépine fleurie
Neige sur nos cheveux. C'est le mois de Marie.

  Ah! sans êtes dévot comme trois capucins,
Sans fêter jour par jour l'Eglise et tous les saints,
Etant même souvent de foi très peu romaine
A l'endroit des prélats, qui sont d'espèce humaine,
--Et l'on peut bien, messieurs, sans être un apostat,
Repousser pour l'Autel les tréteaux de l'Etat,--
Il faut qu'on agenouille au doux mois de Marie,
Devant la Vierge sainte et la Mère chérie,
Devant celle, ô Jésus, dont le coeur sanglota,
Les sanglots du martyr au haut du Galgotha.
Car elle n'était point une femme, la femme
Dont l'amour fut divin, dont l'âme fut une âme
Des cieux resplendissants, et qui vient parmi nous
Nous indiquer la place où mettre les genoux.
Une femme?  Non pas; Eve certainement
Fut femme; Marie est Vierge au firmament.

  Or, c'était au printemps, en Mai, lorsque la terre
Verdit et s'embellit, lorsque le presbytère
Fournit ses fleurs d'autel au simple et bon cure,
Lorsque l'accacia, grand arbre révéré,
-- Puisque l'épine croit à ses robustes branches,--
Ombrage chastement avec ses grappes blanches
Les vitraux de l'Eglise, et que le sacristain,
Brave sonneur qui boit le vin blanc du matin,
Secoue à tout briser, dans le clocher sonore,
La cloche qui bondit, bondit, bondit encore.

  L'Eglise, ce jour là, n'aurait pu contenir
Une femme de plus...--. Mais comme il faut finir
Ce quatrième chant de notre long poëme,
Que le Père Jérôme a bien toussé lui-même,
Que nous ne pouvons pas, sans de bonnes raisons,
Couper un prône entier en plus de six tronçons,
Et que le mois de Mai, le doux mois des cantiques,
De l'Eglise demain ouvrira les portiques,
Ajournons les lectuers à la semaine pro-
Chaine, autrement, messieurs, au prochain numéro.

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