Monday, May 18, 2015

"Annos Petri" par Jean Gentil (Le Louisianais - 1 juillet 1871)

Les cloches aux clochers sonnaient joyeusement,
Les canons répondaient très vite et bruyamment,
Les sonores tambours battaient des marches rares,
Les cornets et clairons envoyaient leurs fanfares;
C'était fête chez nous. Des hommes, des enfants,
Des prêtres, des vieillards, des soldats triomphants,
Et des femmes suivaient la bannière romaine.
Le coup d'oeil était beau. La belle foule humaine!
Vingt mille âmes chantant! Jamais on n'avait vu
Spectacle aussi superbe aux jours de l'imprévu.
Et Warmoth était là, comme étant Excellence,
Bien qu'il eût mal au pied, et très mal. Mais silence!

Mais voyez donc cet homme en sarrau, mal vêtu;
Et méchant, si le luxe annonce la vertu?
Près de l'angle Saint-Pierre il est assis et songe.
Songe-t-il que la vie est un profond mensonge?
Qui sait? Un pauvre sire, en songeant, en rêvant,
Dans les choses du ciel pénètre bien avant,
Et nul ne s'entend mieux à sonder un mystère,
A peser les néants et les rois de la terre.
Or, quand il vit passer sur un char éclatant,
Un char à six chevaux, un vieillard très content
Et tout rouge de pourpre, il secouna la tête,
Prit son bâton de vieux, et laissa là la fête.

Quelqu'un qui l'avait vu, ne comprenant pas, dit:
"Bonhomme, serais-tu par un hazard un maudit?
"Ton nom?"-- Pierre ou Céphas, répondit le bonhomme.
Pêcheur en Galilée, et non pas roi de Rome.

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