Saturday, May 30, 2015

"Veuillot et Loyson." par Jean Gentil (5 Octobre 1872)

Veuillot est un brave homme, un bon diable d'auteur,
Et son grand "Univers" est aimé du lecteur.
Qui donc n'aimerait pas l'"Univers" de cet homme,
Un journal parfumé, sentant bon, sentant Rome,
Exhalent une odeur de tendre sacritain,
En parlant quelquefois comme Saint-Augustin?
Les dévots en sont fous, les dévotes de même,
Le Bourbon de l'exil après déjeuner l'aime,
Dupanloup n'en dit rien, le grave communard
A pour lui le respect qu'on doit aux oeuvres d'art,
Et le curé des bourgs y lit ses Evangiles
Pendant les Quatre-Temps et pendant les Vigiles.
Et puis Maitre Veuillot, bien qu'étant séraphin,
Est un homme d'esprit très subtil et très fin,
Bien fidèle à l'Eglise, expert en la magie,
Connaissant sur les doigts notre théologie,
Croyant en Dieu peut-être, ayant les qualités
Qui font les hommes saints, béats et respectés.
Il aime le bon vin, les chiffrons de ces dames,
Les doux péchés mignons qui fleurissent les âmes,
Et les joyeux soupers. C'est un saint polisson
Qui prêche en cardinal, se conduit en garçon,
Et connait le menu des caillettes sacrées.
Il a droit à l'amour des chastes mijaurées,
Aux rendez-vous charmants à Saint-Thomas d'Aquin,
Etant simple laïque et point Dominicain.
Il n'a jamais fait voeu, comme Père Hyacinthe,
D'enfermer en lieu sûr une chasteté sainte.

Aussi comme il est beau, comme il est bien vengé,
Quand il sort de son lit chandement partagé,
Et qu'il frappe un Loyson, un bandit, un infâme,
Un prêtre, un apostat qui vient de prendre femme!

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