Saturday, May 9, 2015

"Versailles" par Jean Gentil (Le Louisianais - 29 Avril 1871)

La ville est bien choisie et le lien convenable
Pour gouverner Paris, la ville ingouvernable.
Monsieur Thiers le sait bien. Versailles! quell grand nom!
Ne rappelled-t-il point la vieille Maintenon
Et son vieux roi caduc? N'est-ce point à Versailles
Qu'on vit la royauté signer ses épousailles
Avec la Pompadour et cents autres catins?
Son palais fut un gouffre où les rois libertins,
Les lâches courtisans et les folles hértaires
Ont jeté sans pudeur leurs amours adultères.
Beau palais, en effet. Que n'a-t-il coûté,
Ce honteux lapanar de votre royauté!
Et quand on y dansait, chantait, faisait l'orgie;
Quand la débauche infâme, à la lèvre rougie,
Au corps débarrassé du dernier vêtement,
Y trônait, s'y vautrait nue et cyniquement,
La France était en bas et le peuple dans l'ombre:
Versailles était beau, tout le reste étant sombre.

Mais Paris un beau jour tressaillit et parla,
Et l'Octobre du peuple a mis fin à cela:
Le roi fut arraché de son palais superbe;
Versailles dans ses murs vit croître et monter l'herbe.

C'était justice. Il est de ces palais maudits
Qu'on ferme à tout jamais sur le dos des bandits.
Cependant,--qui prévoit les choses de ce monde?
Qui sait quand doit finir le règne de l'immonde?--
Guillaume et ses soudards, encore tout bottés,
Se sont couches aux lits des viles mystères.
Ils ont bu, ces soudards; ils ont pillé, ces reîtres.
Au palais Dubarry n'étaient-ils points les maîtres?
Une honte de plus, c'est simple et bientôt dit;
Et quand on est Prussien on sait être bandit.

Or, Versailles étant la cite deux fois vile,
Monsieur Thiers pouvait bien la choisir comme ville,
Et de là bombarder la cité des vivants,
Le haut Paris jetant son âme aux quatre vents.

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