Monday, May 11, 2015

"Guerre Civile" par Jean Gentil (Le Louisianais - 13 Mai 1871)

Soldats, sans uniforme et peu disciplines,
Le sort, au premier choc, les avait condamnés.
Leur général fut prit, Duval, un rien, un homme,
Un canut ignorant, puisqu'il faut que le nomme.
Ce Duval était chef d'un ramassis de gens,
D'un tas de Rien-du-tout, et même d'indigents,
Quand les soldats de l'ordre et les braves gendarmes,
Equipés, galonnés, pourvus d'argent et d'armes,
Avaient pour les conduire au triomphe certain
Le général Vinoy, le MacMahon hautain,
Des maréchaux joyeux de faire voir au monde
Qu'un battu des Prussiens bat la crapule immonde.
Que voulez-vous? C'est ça. Si le canut Duval,
Communsite émentier, plumet de carnaval,
Eût vaincu le Vinoy, les gendarmes, l'armée
Que Thiers au lendemain a si vite formée,
Notre pauvre Duval serait lors devenu
Un grand homme, peut-être un homme fort connu.
Mais il fut pris. Vinoy, son vainqueur et le nôtre,
En se tournant vers lui, d'un air tout comme un autre
Lui dit: "Certainement vous m'auriez fusillé?"
Le Canut répondit un Oui non sourcillé.

Et le canut Duval, le vaincu, le pauvre hère,
Le general d'en bas, du fond, de la misère,
Mourut en repoussant le bandeau, voulant noir
Comment monsieur Vinoy fait encor son devoir.

C'est justice, dit-on. Qui parle ainsi, mes maîtres?
Etes-vous des bourreaux, et sont-ils biens des traitres?
Dans la guerre civile, un horrible chemin,
Le vaincu d'aujourd'hui sera vainqueur demain,
Et Vinoy devait dire: "Etant vainqueur, j'ordonne:
Tu m'aurais fusillé, mais moi je te pardonne."

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