Friday, May 29, 2015

"Libéralisme" par Jean Gentil (Le Louisianais - 31 août 1872)

Possédant aujourd'hui, de par le Constitu--
Tion, le droit sacré, si longtemps combattu,
De travailler pour soi, de changer de demeure,
De manger à sa faim, de peinter à son heure,
Même de s'enivrer impérialement,
Sans qu'un noble gendarme, au nom du réglement
Puisse vous empêcher de sommeiller sur l'herbe,
Ou bien vous molester pour un zig-zag superbe,
J'ai résolu, s'étant ni seul ni le premier,
Sentant l'âge venir et venir l'infirmier,
Et même désirant la vieillesse honorée
D'un maire de campagne à l'écharpe dorée,
De briser mon crayon de fade original,
De déchirer en deux mon stupide journal,
D'envoyer à Satan ma presse octogénaire,
Et de prendre un air vrai, charmant et débonnaire,
--Un air de bon bourgeois, pour vendre du jambon,
Du sucre, de la graisse et du Whiskey-Bourbon.
C'est un métier qui paie et vous rend honorable.
Un poëte affamé n'est qu'un vil misérable,
Et plus d'un citoyen, grand homme respecté,
Par le poivre et le lard jadis a débuté.
C'est dit, pesé, conclu. Le dernier de novembre,
Vers le commencement du froid mois de décembre,
Avec quatre barils de whiskey, deux tonneaux
De vin bleu, six gallons de poisons tout nouveaux,
Et du Bitter de Chien, j'ouvre comme les autres
Un cabaret pour noirs, pour blancs et pour apôtres.

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