Sunday, August 14, 2016

"Aux Moqueurs, II" par Jean Gentil (Le Louisianais - 4 août 1877)

Voyez comme il marie
Ses chansons et ses vers,
Surtout comme il varie
Artistement ses airs!

Jamais il ne détonne,
Et son chant glorieux
N'a rien de monotone,
De fade et d'ennuyeux.

Est-ce qu'il se répète,
Et, dans le fond des bois,
N'est-il pas la trompette,
Le tambour, le hautbois,

Le fifre, l'épinette,
Le luth du séraphim,
Clairon et clarinette,
Tout un orchestre enfin?

Et ce moqueur impie,
Etrange original,
Raille le pape Pie,
Le rouge cardinal,

L'évêque au carnail rose,
Souvent même, souvent,
L'abbé noir et morose
Qui nous prêche l'Avent.

Car ce drôle est infâme,
Tout au moins grand vaurien,
Et comme il a pris femme,
Il est épicurien.

Très librement il pense;
Il chante également
A son goût, sans dispense,
Et pour son agrément.

Entre nous, je l'accuse
D'aimer--Crime sans nom,
Et forfait sans excuse!--
Rabelais de Chinon.

Car les panurgeries,
Les mots de francs-gaultiers
Et les gauloiseries
Lui plaisent volontiers.

Il siffle d'abondance
Et merveilleusement,
Avec une impudence
De mauvais garnement,

Ceux de théologie,
Qu'on nomme mategots,
Et ceux d'astrologie,
Qu'il appelle cagots.

Le gueux! Il n'aime guere
Don Basile le saint,
Et même il fait la guerre
Au Père capucin.

--Ces grands saint, mon bonhomme,
Dit-il en vers railleurs,
Sont de grands saints à Rome,
Mais pas du tout ailleurs.

Je connais leur malice
Et leur dévotion,
Même l'eau de mélisse
De leur invention.

Eux des saints! Tu veux rire.
Ut, ré, mi, fa, sol, ut!
Laisse, Veuillot l'écrire,
En do, ré, mi, fa, Zut!

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