Monday, August 15, 2016

"Dans Saturne, 1" par Jean Gentil (Le Louisianais - 13 octobre 1877)

Mon voisin l'astronome,
Qui voit bien et voit clair,
Est un excellent homme
Qui vit toujours en l'air.

Il trouve que la terre,
Où le pommier fleurit,
Où la femme, un mystère,
Divinement sourit;

Où le vin, douce flamme
Et rayon de soleil,
En vous réchauffant l'âme,
Vous fait le nez vermeil;

Où l'on chant, où l'on aime,
Où le coeur est vivant,
Où la vie est suprême,
Où l'on prie en buvant;

Où la nature est belle
De toutes les beautés,
Où le plus grand rebelle
Voit des sublimités;

Où Dieu ne fait point crime,
Aux oiseaux de tout bec,
De chanter une rime
Aux cordes d'un rebec;

Où celui qui rumine
Une même oraison,
Et s'assombrit la mine,
N'a pas toujours raison;

Où les saints véritables
Trouvent bien, sans les cieux,
Des objets délectables
Et des biens précieux,...

Est indigne d'un homme
Qui croit en Dieu, surtout
D'un puissant astronome
Qui veut connaître tout.

La terre, globe immonde,
Horrible et sans clarté,
N'est-elle pas un monde
Tristement avorté?

Les femmes, des Harpies,
N'y sentent pas très bon;
Les hommes, des impies,
Y mangent du jambon.

Elle-même, la rose,
Cette fleurs des rayons,
Est pâle, a la chlorose
Des filles en haillons.

Tout est laid sur la terre,
Petit, même au printemps,
Et l'homme au grand mystère
Y perd vraiment son temps.

Aussi notre astronome,
Petrus Renifle-en-L'air,
Car Petrus il se nomme,
Vit-il toujours en l'air.

Et ce savant nocturne,
Bonhomme singulier
Qui monte sans Saturne
Par un grand escalier,

A vu, la chose est sûre,
A vu de ses deux yeux,
A vu, je vous l'assure,
Ce qui se passe aux cieux.

Et c'est lui qui colporte
L'histoire que voici,
Mais que je vous rapporte
En vers et sans souci:


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