Monday, August 15, 2016

"Dans Saturne, II" par Jean Gentil (Le Louisianais - 20 octobre 1877)

Saturne est la planète
Où je vais fréquemment
Sans lorgnon ni lunette,
Car je prends simplement

La route sidérale
Qui morte au firmament
Et s'allonge en spirale
Très agréablement.

En moins de trois quarts d'heure,
Eté comme printemps,
Qu'il vente, neige, ou pleuve,
J'y suis eu quatre temps.

Si même, quand je passe
Près de la Lune, qui
N'est qu'un point dans l'espace,
Où notre âme naquit,

Je ne prenais nouvelle
Du bon vieux Barrabas,
Lui laissant ma cervelle
Et ma raisond'en bas--

Car ce maudit bagage
Est trop disgracieux
Pour quiconque s'engage
Dans le chemin des cieux,--

Je pourrais bien me rendre
Dans Saturne en deux temps;
Et je vais l'entreprendre
Dans six mois, au printemps.

Au doux printemps des roses
Et du thym de berger,
Les nez sont moins moroses,
L'esprit est plus léger;

On allonge ses ailes
Beaucoup plus librement
Aux voûtes éternelles,
Et poetiquement.

Aux doux printemps des heures
De bénédiction,
Les routes sont meilleurs
Dans la création:

Vous n'avez plus d'ornières
Au ciel, et les chemins
Ont des fleurs printanières
A cueillir des deux mains.

Quant à ceux de la terre,
Ils sont, quand l'arbre est vert
Et chante son mystère,
Plus joyeux qu'en hiver.

Car l'hiver a ses pluies,
Ses bourbiers, ses glaçons,
Ses vents, ses parapluies
Et ses âpres frissons.

C'est comme pour la guerre;
Il lui faut les beaux jours;
Janvier ne convient guère,
Mais Mai convient toujours.

Aussi, quand sage est l'homme,
C'est d'ordinaire en Mai
Que pour la Mecque ou Rome
En voyage il se met.

De même pour Saturne,
Où j'achève à l'instant
Mon voyage nocturne,
Où je vois tant et tant

De choses admirables,
Dignes d'étonnement,
Puissantes, adorables,
Que je ne sais vraiement,

Dans ce spectacle immense
Et splendide en tout point,
S'il faut que je commence
Ou ne commence point,

Sans dire des bévnes,
Le merveilleux récit
Des choses que j'ai vues
Là-haut, et que voici:

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