Friday, August 12, 2016

"Cherchons les pauvres" par Jean Gentil (Le Louisianais - 16 juin 1877)

Buvez, mangez, mes maitres,
Etant riches, puissants,
Joyeux vivants, grand pretres
Et tout resplendissants.

Car la philosophie
N'exige aucunement,
Que l'on se mortitie
Et jeûne horriblement.

Une dinde bien grasse,
Tendre, truffée à point,
Ne nuit pas à la Grace
Et ne nous damne point.

Pour le vin, douce flame
Et douce ébriété,
Il nous réchauffé l'âme
Dans la joyeuseté.

Car le vin est suprême,
Et surtout le bon vin,
Et Rabelais lui-même
L'a déclaré divin.

Mais si vos jours de fêtes
Sont des jours glorieux,
Et si vraiment vous êtes
Des hommes très pieux,

Allez un peu dans l'ombre
Du pauvre, où le petit
Enfant a le front sombre
Et très grand appétit,

Où bien souvent la mère,
Voyant son sein tari,
Désespérée, amère,
En frissonnant sourit,

Où l'on souffre, où l'on pleure,
Où le temps douloureux
Parait allonger l'heure,
Au pauvre malheureux,

Où l'on maudit peut-être
Le riche, le puissant,
Le pontife, le maître
Et le resplendissant.

Car il faut, dans cette ombre
Et cette obscurité,
A des douleurs sans nombre
Porter la charité.



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