Sunday, August 14, 2016

"Aux Moqueurs, IV" par Jean Gentil (Le Louisianais - 18 aout 1877)

Mais, c'est à l'heure aimée
Des fleurs dans les buissons,
Quand la voix parfumée
D'Avril dit ses chansons,

Quand le printemps provoque,
Par des appels vainqueurs,
La charmante équivoque
Des sexes et des coeurs,

Que notre joyeux drôle,
Arististe consommé,
Joue hardiment son rôle
De chanteur emplumé.

Je l'ai vu dans les branches,
Aux lilas, aux pêchers,
Par fêtes et dimanches
Et...Quels vilains péchés!

J'en rougis quand j'y pense:
Mais lui, vrai scélérat,
Prétend qu'il a dispense
Pour les Et Caetera.

Il dit que la pépie
Est une infirmité,
Mais qu'il n'est point impie
D'aimer la liberté.

Peu triste et pas morose,
Ce sage épicurien,
Affirme que la rose,
Ne fleurit pas pour rien.

Et quand il voit la fraise
Rougir discrètement,
Il la mange à son aise
Et savoureusement.

Le gueux fait une orgie
De chansons et de vers
A la grappe rougie
Qui pend aux pampres verts.

Et son nid sous la feuille,
Pas loin de ma maison,
Tout près d'un chèvrefeuille,
Murmure une oraison.

Car le bonheur suprême,
Et divin, parait-il,
Veut qu'on chante, qu'on aime
Et dise: Ainsi soit-il.

Et le bonheur, o Maitre
Des mondes radieux,
Ne saurait jamais être
Un forfait odieux.

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